tag:blogger.com,1999:blog-5157904403616310212024-03-13T11:30:28.437-07:00MAURASSIANA - lettre d'information de l'actualité maurrassienneUnknownnoreply@blogger.comBlogger16125tag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-27969515110031763332009-11-28T04:24:00.000-08:002009-12-24T10:10:08.767-08:00Livres d'Yves Chiron + livres autour de Charles Maurras<div style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><div style="text-align: justify;">Yves Chiron a écrit quelques livres, disponibles en librairie. Ils peuvent aussi être commandés directement auprès de l'auteur, la liste en est <a href="http://docs.google.com/fileview?id=0BwfXiaWf_vN7Y2Q3ODBmYWYtN2UyMi00Njg3LWE4YWUtM2VkNzcyZTBlM2I1">disponible ici au format PDF</a>. Les ouvrages qui ont fait l'objet de traductions sont signalés pour information, mais ces traductions ne sont pas disponibles auprès de l'auteur.<br /></div><hr />Il est proposé, par ailleurs, en premier lieu, des livres, neufs ou anciens, de Charles Maurras. Puis, des ouvrages sur Charles Maurras et sur l’Action française et des ouvrages d’auteurs de l’école d’Action française. Et, accessoirement, des ouvrages et revues sur divers sujets. Cette initiative n’est pas une entreprise commerciale. Tous les bénéfices contribuent au financement des Éditions BCM dans le cadre de l’Association Anthinéa. - En voici <a href="http://docs.google.com/fileview?id=0BwfXiaWf_vN7YmE4NjcxMWQtNzNmNC00YTRjLWIwNjktOGYwYjMzZTVkMmFi">la liste au format PDF</a>.<br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-71286595768863512142009-11-01T06:21:00.000-08:002009-12-24T10:10:08.792-08:00Xavier Soleil - Mes Partis pris (deuxième série) - Préface de Samuel MartinVient de paraître:<br /><div style="text-align: justify;"><div style="line-height: 150%;"><b>Xavier Soleil - Mes Partis pris (deuxième série) - Préface de Samuel Martin</b><br /><br />Autant de bibliothèques que de lettrés : une fois inventoriés les titres de la culture courante ; une fois définie la part des lectures propres à une génération ; une fois, en quelque sorte, circonscrits les communs, chaque bibliothèque est unique par son corps principal, ses ailes, ses greniers, ses débarras et son jardin d’été… Entrer dans une bibliothèque autre, c’est, derrière les aspects séduisants ou déroutants, c’est, intimidé ou à l’aise, découvrir un monde organisé autrement, des perspectives nouvelles et des points de vue différents.<br /><br />La bibliothèque de Xavier Soleil, telle qu’elle apparaît dans les pages qui suivent, montre avec force que la littérature est liée à la Cité, à ses dimensions religieuses, politiques et sociales. Par ce lien qu’on oublie parfois à l’usage, ou qu’on minimise pour privilégier la littérature comme évasion, des noms se trouvent rapprochés : Balzac, Béhaine, Le Play ; Rebell, Benjamin, Maurras.<br /></div><div style="text-align: justify;"><div style="line-height: 150%;">Que des auteurs connaissent un temps de purgatoire, que d’autres ne restent appréciés que par un premier cercle, situation normale dans le cadre de l’histoire de la littérature. Mais les quelques noms cités ci-dessus, en majorité obscurs, le sont non par le jeu du temps mais parce qu’ils ne sont pas admis dans le domaine de l’histoire littéraire officielle : ils restent sous le boisseau par incompatibilité politique avec le système dominant. Ecrivains « interdits » - Drumont -, écrivains délaissés par lâcheté et facilité - Barrès -, parce qu’ils ont pris parti dans bien autre chose que des disputes de chapelles littéraires : dans la querelle politique des Anciens et des Modernes, lors de l’Affaire, lors de l’Epuration, etc., ils habitent l’enfer où la Démocratie laïque et obligatoire les maintient.<br /><br />Parler d’un écrivain qu’on apprécie sans communiquer l’envie de le lire, serait un échec. On se convaincra de la réussite de Xavier Soleil à transmettre ses goûts et ses idées en lisant les études rassemblées ici, qui suggèreront à chacun d’augmenter sa bibliothèque de quelques noms et titres.<br /><br />Samuel Martin<br /></div></div><div style="text-align: justify;"><hr /><div style="line-height: 150%;"><b>Bon de commande</b><br /><br />Mes Partis pris ( deuxième série)<br /><i>26 euros (+ 3 euros de contribution aux frais de port).</i><br /></div><div align="left"><div style="line-height: 150%;"><br />Du même auteur, chez le même éditeur<br /><br />Mes Partis pris (2007)<br /></div></div><div style="line-height: 150%;"><i>23 euros (+ 3 euros de participation aux frais de port)</i><br /><br />Histoire d’une Société de René Béhaine, pages choisies présentées par Xavier Soleil avec une lettre de Michel Déon de l’Académie française<br /><i>28 euros (+ 3 euros de participation aux frais de port).</i><br />----------<br />Commande à adresser aux Editions Nivoit - 5 rue du Berry - 36250 Niherne, en précisant ses nom, prénom, et adresse de livraison. Chèque à l’ordre des Editions Nivoit. <br /></div></div></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-71409435155878344322009-10-20T12:42:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.808-08:00[Maurrassiana n°12] Charles Maurras, la Contre-Révolution pour héritage<div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b>Charles Maurras, la Contre-Révolution pour héritage<br />Les impasses d’une étude universitaire - par Yves Chiron</b><br /></div><div style="text-align: justify;"><br /></div><hr style="margin-left: 0px; margin-right: 0px;" /><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Tony Kunter, né en 1983, a soutenu, en 2007, un <i>master</i> en histoire des idées politiques (ce qu’on appelait jadis un mémoire de maîtrise), à l’Université de Toulouse II le Mirail. Ce travail universitaire, consacré à Charles Maurras et à deux illustres représentants de la pensée contre-révolutionnaire au XIXe siècle : Louis de Bonald et Joseph de Maistre, fait l’objet d’un livre édité par une maison qui s’est illustrée par l’édition d’ouvrages de Maurras et d’auteurs maurrassiens et de plusieurs livres consacrés à l’histoire de l’Action Française [1].<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Le vrai paradoxe est dans l’intention même du livre. L’auteur se défend d’avoir voulu rédiger un essai de philosophie politique. Il se veut épistémologue, dit vouloir s’être limité à « étudier la manière dont Charles Maurras a interprété les auteurs contre-révolutionnaires, en particulier Bonald et Maistre » (p.18).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Et pourtant, Tony Kunter n’est pas un chercheur éloigné de son objet d’étude. Son travail universitaire est aussi un livre de combat politique. Il collabore depuis plusieurs années à <i>Action Française 2000</i>. Dans son livre, il fait des références, inattendues et saugrenues, à l’actualité politicienne la plus immédiate : l’UMP, Bayrou, Alain Soral, Le Pen (p. 19, p. 203). Et surtout, il conclut son étude en appelant de ses vœux une nouvelle philosophie politique. On voit mal d’ailleurs la cohérence qu’elle pourrait avoir puisqu’elle rejetterait « le système argumentatif maurrassien », devenu « inopérant », selon l’auteur, tout en initiant « un néomaurrassisme qui, certainement, n’aurait plus grand chose à avoir avec l’Action française historique » (p. 203).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b>Une thèse simpliste</b><br />Ce mémoire de <i>master </i>devenu un livre n’hésite pas à recourir à des formules balourdes, indignes d’un historien : après le voyage de Grèce, la monarchie serait devenue, pour Maurras, « le système le plus rentable » (p. 136). Ailleurs, Maurras est décrit comme « se rangeant derrière le comtisme » (p. 195), ou souhaitant « ”royaliser” les esprits en faisant de la publicité pour la monarchie » (p. 195).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Aux maladresses de style, Kunter ajoute une maîtrise incomplète des sources. Signalons, par exemple, l’article « Deux théoriciens de la Contre-Révolution », paru dans <i>L’Action Française</i>, le 1<sup>er</sup> juin 1904, p. 399-401. Kunter aurait pu le lire avec profit.<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Si l’on en vient au fond de l’étude de Tony Kunter, on peut la résumer en quelques lignes. À l’égard de l’œuvre des deux plus illustres auteurs contre-révolutionnaires du XIXe siècle, Maistre et Bonald, Maurras aurait mené une opération, consciente, de « captation », d’ « instrumentalisation », de « récupération », de « reformatage », les mots sont répétés des dizaines de fois tout au long de l’ouvrage. Tony Kunter, pour donner une allure savante à son étude, se réfère aux travaux de Quentin Skinner, un des chefs de file du « contextualisme ».<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Le contextualisme est une méthodologie historique, appliquée à l’histoire des idées politiques, qui consiste à scruter non pas tant les textes eux-mêmes que le contexte dans lequel ils ont été écrits et quelles étaient les intentions de leur auteur. Skinner a formulé ainsi les questions auxquelles aurait à répondre l’historien des idées : « qu’est-ce que l’auteur en écrivant à l’époque où il écrivait et compte tenu du public auquel il souhaitait s’adresser, pouvait, concrètement, avoir l’intention de communiquer en énonçant ce qu’il énonçait ? ».<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Tony Kunter recourt à cette méthodologie historique, mais il le fait sans finesse. À défaut d’une démonstration convaincante, il multiplie les concepts synonymes, comme nous l’avons vu. Ce n’est pas d’abord une réflexion intellectuelle qui aurait conduit Maurras à cette « captation » d’héritage, mais la recherche d’une clientèle. Tony Kunter nous le répète, dans des formules simplistes ou grossières, selon les cas. Il martèle cette idée tout au long de son ouvrage : « l’imbrication du royalisme et du nationalisme devait permettre de rameuter les militants » (p. 187), Maurras « comprend que chaque référence correspond à un public, qu’il convient de récupérer au sein de l’entreprise d’Action française » (p. 194). Et encore : « différentes facettes des théocrates, véritables masques qu’emprunte Maurras et qu’il a lui-même modelés pour séduire des publics proches de ces autorités contre-révolutinnaires » (p. 194), « sa lecture du rouergat est toutefois négligeable, son ambition étant avant tout de s’approprier une figure emblématique de la Contre-Révolution » (p. 195).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">La méthodologie de Skinner, que Kunter a tenté d’appliquer à Maurras dans ses lectures de Maistre et de Bonald, n’est pas suffisante, elle est même très réductrice. À privilégier le contexte, on risque de perdre de vue le texte. A contrario, les grandes œuvres gardent leur sens, même si l’on met de côté leur contexte, leurs conditions de production ; et c’est même à cela qu’on reconnaît les grands textes.<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b>Des ignorances</b><br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">On n’infligera pas à ce premier essai de Tony Kunter une correction ligne à ligne qui occuperait aisément plusieurs pages. On se demande néanmoins, comment un jury universitaire puis un éditeur ont pu laisser passer des aveux, aussi naïfs que ridicules, de non-lecture. À propos d’un article de Maurras : « nous ne connaissons pas la teneur de cet article pour n’y avoir guère eu accès. Même si nous l’avions lu, il aurait été hasardeux de se prononcer » (p. 65). À propos d’une conférence de Maurras à Chambéry, située en décembre 1940 : « nous n’avons pas retrouvé ce texte qui était probablement un discours-type présentant les positions officielles du mouvement lors de la mise en place du régime de Vichy et face aux conditions de l’armistice » (p. 127). La date est fausse – la conférence a eu lieu le 9 février 1941 – et, en cherchant un peu, Kunter aurait retrouvé, dans <i>l’Action française</i> du 16-17 février 1941, ce qu’a dit Maurras (et qui n’avait aucun rapport avec le « régime de Vichy »).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Faisant référence à mon étude sur Maurras et de Maistre, Kunter écrit : « Il n’existe pas à notre connaissance de texte où Maurras revient explicitement sur le maçonnisme de Maistre en le désapprouvant fermement. Un tel document ne doit pas être non plus connu de M. Chiron, car il n’en fait aucune mention » (p. 89). Non seulement un tel texte existe, mais je l’ai cité dans mon étude.<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">On ne relèvera encore, que pour mémoire, les concessions irraisonnées à l’historiquement correct que Kunter multiplie lorsqu’il évoque Maurras dans la période 1940-1944 : « Maurras se bat sur une ”ligne de crête” qui n’existe plus, ce qui le fait basculer, quoi qu’on en dise, dans le camp de l’Axe et de l’Occupant » (p. 182). Cette ligne de crête a été un « ailleurs irréaliste, fantasmagorie éveillée, bulle que seule la Libération fit éclater » (p. 199) et encore : Maurras a été, selon Kunter, « complice par procuration de l’aide que l’Etat français a fourni au système national-socialiste » (p. 205).<br /></div><div style="line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;">Passons sur ces vues, qui n’ont guère de rapport avec Maistre et Bonald. En revanche, comment un livre sur Maurras, et qui en conclusion s’interroge sur le « devenir » de l’héritage maurrassien, parvient à ne pas citer une seule fois le nom de Jean Madiran ni ses livres sur Maurras ? Et aussi, comment Tony Kunter peut-il ignorer les réflexions, plusieurs fois développées par Émile Poulat, sur la place, originale et objet de controverse, de Maurras et de l’Action Française dans l’ « immense massif, encore largement inexploré » que constituent le courant contre-révolutionnaire du XIXe siècle et « l’opposition catholique au monde moderne » ?<br /></div><hr style="margin-left: 0px; margin-right: 0px;" /><div style="text-align: justify;">[1] Tony Kunter, <i>Charles Maurras, la Contre-Révolution pour héritage</i>, Nouvelles Éditions Latines, 208 pages.<br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-53998928559660518312009-07-31T05:31:00.000-07:002009-12-24T10:10:10.626-08:00"Une opinion sur l’Action Française" (Berto) et "Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l’Action française?" (Chiron/Poulat)<p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Vient de paraître :</p><hr style="margin-left: 0px; margin-right: 0px;"><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">----------</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Abbé V.-A. Berto</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText"><b><span style="">Une opinion sur l’Action Française</span></b><br /></p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">L’abbé Victor Berto (1900-1968), docteur en philosophie et docteur en théologie fut tour à tour vicaire de paroisse, professeur de séminaire, fondateur d’œuvres pour l’enfance (les Foyers Notre-Dame de Joie) et de la fraternité des Dominicaines du Saint-Esprit. Il fut aussi un des fondateurs de <i style="">La Pensée catholique</i> et le théologien de Mgr Lefebvre au concile Vatican II. En avril 1968, il publia, dans <i style="">Itinéraires</i>, un important article, « Une opinion sur l’Action française ». Cette analyse catholique, trop peu connue, même des historiens de l’Action française, méritait d’être rééditée.</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Éditions BCM, 26 pages, 5 euros<br />ISBN 978-2-918361-00-8</p><hr style="margin-left: 0px; margin-right: 0px;"><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">----------</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Yves Chiron – Émile Poulat</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText"><b><span style="">Pourquoi Pie XI a-t-il condamné l’Action française ?</span></b></p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">La condamnation de l’Action française, en 1926, a provoqué une crise majeure dans l’Église de France. Cette condamnation a été interprétée par Maurras et l’Action française comme une condamnation politique tandis que les libéraux et les démocrates-chrétiens y ont vu une légitimation de leur opposition au mouvement monarchiste. Yves Chiron, par une lecture critique, puis Émile Poulat, par une étude inédite et qui va aux principes, montrent ce qui était en cause : la sécularisation du politique. </p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Yves Chiron, directeur du Dictionnaire de biographie française, auteur d’une Vie de Maurras (1999) et de diverses études sur le fondateur de l’Action française. Il a publié aussi la biographie de plusieurs papes, notamment Pie XI (Perrin, 2004).</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Émile Poulat, directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences sociales. Il a publié plus d’une trentaine d’ouvrages, notamment Intégrisme et catholicisme intégral (1969), Une Église ébranlée. 1939-1978 (1980), L’Église, c’est un monde (1986), France chrétienne, France laïque avec Danièle Masson (2008).</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Éditions BCM, 70 pages,<span style=""> </span>11 euros<br />ISBN 978-2-918361-01-5</p><hr style="margin-left: 0px; margin-right: 0px;"><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">----------</p><p style="text-align: justify;" class="MsoBodyText">Pour commander « <b>Une opinion sur l’Action française » </b>(5 euros port compris) ou « <b>Pourquoi Pie XII a-t-il condamné l’Action française ? » </b>(11 euros port compris), adresser un chèque à « Association Anthinéa », 16 rue du Berry – 36250 NIHERNE – France, en précisant ses nom, prénom, adresse.<br /></p>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-15468413608111576302009-04-15T14:45:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.993-08:00[Maurrassiana n°11] La condamnation de l’A.F. toujours en question - par Jean Madiran<div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Maurrassiana - Avril-Juin 2009 - 4<sup>ème</sup>année – n° 11</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>La condamnation de l’A.F. toujours en question - par Jean Madiran - I.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Les Editions BCM (Bulletin Charles Maurras) ont publié au printemps deux opuscules qui renouvellent sensiblement l’état de la question concernant la « condamnation » de l’Action française par Pie XI en 1926 (condamnation levée par Pie XII en 1939).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• Renouvellement ? La pièce principale en est la publication en opuscule d’<i>Une opinion sur l’Action</i> <i>française</i>, vaste article de l’abbé Victor-Alain Berto paru dans la revue <i>Itinéraires</i> en… 1968 ! La nouveauté est pourtant réelle. Elle consiste en ce que cette importante contribution n’avait jusqu’ici nullement retenu l’attention de ceux qui monopolisent l‘état de la question, les auteurs d’ouvrages fort érudits, d’apparence universitaire, qui savent sur Maurras tout sauf ce qu’il faudrait savoir, les Huguenin, Prévotat, Giocanti, Prévost, etc., pour lesquels un travail paru dans la revue <i>Itinéraires</i> est par définition méprisable. Grâce à Yves Chiron et à Émile Poulat, l’abbé V.-A. Berto est enfin à sa place, au premier rang des témoins et commentateurs de l’affaire.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• L’ « opinion » exposée par l’abbé Berto rend justice à la fois aux motivations uniquement « religieuses » affirmées par Pie XI et aux libertés « politiques » réclamées avec raison par Maurras. Oui, la condamnation de l’Action française a bien été prononcée pour des raisons « religieuses », mais ces raisons religieuses n’étaient pas « doctrinales » (nous dirions aujourd’hui qu’elles étaient « pastorales »). C’est ce qui explique que Pie XII ait pu, au grand scandale des démocrates-chrétiens, lever la condamnation en 1939 sans qu’aucune rétractation doctrinale soit exigée.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• La thèse de l’abbé Berto, commentée par Yves Chiron et par Émile Poulat, est très convaincante dans l’ensemble. Un point cependant, me semble-t-il, demeure méconnu. Oui certes, les vraies raisons de Pie XI étaient religieuses mais non point doctrinales. Oui encore, Pie XI affirmait sa volonté sans expliquer ses raisons. Mais cela n’est vrai qu’à partir de décembre 1926 (et le restera jusqu’au bout). Auparavant il y avait eu, le 25 août, l’intervention fracassante du cardinal Andrieu et, le 5 septembre, son approbation publique et sans réserve par Pie XI.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• Si l’on considère l’intervention initiale du cardinal Andrieu comme une simple « maladresse » que Pie XI ne pouvait éviter d’ « assumer », on peut en effet tourner la page sur cet épisode regrettable et faire comme si le sérieux de l’affaire commençait seulement avec l’allocution consistoriale du 20 décembre 1926. Mais les accusations du Cardinal étaient énormes et terribles : l’Action française veut rétablir l’esclavage, elle supprime toute distinction entre le bien et le mal, elle est amorale, athée, anticatholique (etc.). Le Pape approuva cette énumération de griefs : « Votre Eminence énumère et condamne avec raison des manifestations d’un nouveau système religieux, moral et social… » Ne serait-ce point-là du doctrinal ? Mais un doctrinal tellement démesuré, déjanté, incroyable, que le Saint-Siège n’y est jamais revenu. Cependant <i>scripta manent</i>, quand ils n’ont pas été rétractés.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• Les accusations du cardinal Andrieu dont Pie XI approuva l’énumération n’étaient point des maladresses ni des exagérations, mais des contre-vérités et, pour parler exactement, d’atroces calomnies, des diffamationsassassines, qui n’ont pas été officiellement réitérées par la suite, mais qui n’ont pas été démenties non plus, c’est-à-dire qui n’ont pas été clairement rétractées (comme si les personnes qui composent la hiérarchie ecclésiastique n’étaient pas soumises à la loi naturelle). Ces calomnies doctrinales ont donc été continuellement professées telles quelles dans le clergé même après la levée de la condamnation par Pie XII : la preuve en est le cardinal Lustiger qui jusqu’à sa mort s’en est tenu aux accusations du cardinal Andrieu. Il dénonçait publiquement dans l’Action française, notamment en 1996 et en 1998, une « résurgence du paganisme le plus cynique et le plus dangereux ». Le plus cynique et le plus dangereux qui ait jamais existé !Bref, c’est toujours le « rétablir l’esclavage ». Or le cardinal Lustiger n’a pas été en cela une exception isolée, mais un relais et un chef de file.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Soixante-dix ans après la levée de la condamnation d’août-septembre 1926, ses effets nuisibles demeurent, par la volonté de ceux que Maurras a définitivement dénoncés comme, au sein de l’Eglise, de « cruels sectaires ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>II.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• La conséquence immédiate de la condamnation de l’Action française a été la domination idéologique, dans l’Église de France, d’une tendance « démocrate-chrétienne » fascinée par la modernité et tournée vers le dialogue avec la gauche socialo-communiste. À ses yeux Pie XII fut d’emblée suspect par sa levée de la condamnation, et cette suspicion fut plus tard confirmée par sa canonisation de saint Pie X. Sous cette influence directe ou indirecte, des personnalités ecclésiastiques ultérieurement appelées aux plus hautes charges ont pu faire leurs études, à Rome même, sous Pie XII, sans rien apercevoir d’autre, chez ce souverain pontife, que sa supposée partialité rétrograde.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• L’exemple du cardinal Lustiger, que j’ai cité hier, montre bien comment l’opinion ecclésiastique dominante, dès l’origine et jusqu’à maintenant, n’a rien retenu d’autre, dans la condamnation de l’Action française, que l’énumération des griefs épouvantables du cardinal Andrieu et l’approbation sans réserve, par Pie XI, de cette énumération. Dès lors, la levée de la condamnation par Pie XII paraissait forcément une regrettable, une scandaleuse et injuste faveur.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• La systématique suspicion démocrate-chrétienne s’était très vite étendue à tout ce qui semblait « proche » de l’Action française, c’est-à-dire en fait à l’ensemble des catholiques dits « de droite », ou plus exactement : « contre-révolutionnaires ». C’est ainsi que de grandes figures du catholicisme dans les domaines de l’art, de la littérature, de la philosophie, de l’action politique et sociale, n’ont pas reçu de l’épiscopat le soutien qu’elles méritaient, ou même ont vu leur influence marginalisée et leurs personnes ignorées ou méprisées dans les rangs du clergé diocésain et de l’Action catholique à partir de 1926-1927. Parmi les morts on peut citer notamment le général de Castelnau (1851-1944), Jean Lecour-Grandmaison (1883-1974), Henri Charlier (1883-1975), Henri Massis (1886-1970), André Charlier (1895-1971), La Varende et Pourrat (tous deux 1887-1959), Henri Rambaud (1899-1974), Luce Quenette (1904-1977), Louis Salleron (1905-1989), Marcel De Corte (1905-1994), Jean de Fabrègues (1906-1983), Alexis Curvers (1906-1992), Jean Ousset (1914-1994). Chacun d’eux mériterait toute une monographie sur la nature ou l’absence de ses rapports avec la hiérarchie ecclésiastique. Et je n’ai nommé là que des laïcs. Parmi les prêtres, on pourrait raconter le sort réservé au P. de Chivré, à l’abbé Berto, au P. Calmel, à l’abbé Raymond Dulac (etc.).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• Dans l’opuscule sur la condamnation (p. 46-48) et surtout dans son dernier livre <i>Aux carrefours</i> <i>stratégiques de l’Église de France</i> (p. 148-149), Émile Poulat distingue fortement deux écoles contre-révolutionnaires en France : la « contre-révolution politique de Joseph de Maistre à Charles Maurras », et ce qu’il appelle la « contre-révolution proprement catholique », dont l’origine est antérieure à Maurras : le P. de Clorivière, Louis Veuillot, Mgr de Ségur, le cardinal Pie. Ils sont loin d’être aussi oubliés aujourd’hui que le croit Poulat, mais bien sûr s’ils sont encore connus, et même étudiés, c’est surtout au sein de ce mouvement contre-révolutionnaire qui, observait René Rémond, n’a plus d’influence politique directe mais survit vigoureusement, disait-il, comme « école de pensée » catholique.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• « Au temps du cartel des gauches [à partir de 1924] comme vingt ans plus tôt au temps de la séparation [1905] », écrit Émile Poulat, il allait de soi que les autorités ecclésiastiques « préfère[nt] Maurras à Herriot ou Briand ». Mais « si on aime Maurras, on pense sans Maurras ». C’est bien possible. Il faut cependant compter aussi avec cette similitude d’esprit ou cette connivence intellectuelle entre « thomisme » et « maurrassisme » que dénoncèrent violemment démocrates-chrétiens et modernistes.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">• La distinction et les différences justement indiquées par Poulat entre les deux courants contre-révolutionnaires sont allées s’atténuant, précisément dans et par l’Action française. Ils n’ont fait plus qu’un dans et par La Cité catholique de Jean Ousset. On s’en rend mal compte parce que c’est là l’une des graves déficiences des auteurs de la catégorie des Giocanti et des Huguenin : ils sous-estiment ou ils ignorent l’importance à la fois politique et religieuse de l’œuvre accomplie par Jean Ousset dans les années cinquante et soixante. La meilleure part sans doute en relève encore de ce que Balzac nommait l’envers de l’histoire contemporaine.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Jean MADIRAN</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ce très pertinent commentaire de Jean Madiran est paru en deux articles, publiés dans le quotidien <i>Présent</i> (5 rue d’Amboise, 75002 Paris) les 31 juillet et 1<sup>er</sup> août 2009.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Notes de lecture - par Yves Chiron</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• François Marie ALGOUD, <i>Le grand siècle de l’Action française</i>, Éditions de Chiré (B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil), 484 pages, 60 euros.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">F.M. Algoud achève, par ce volume, sa trilogie consacrée à Maurras et à l’AF, qui a commencé à paraître en 2004. Il s’agit essentiellement d’un recueil des « Faits chronologiques marquants de son histoire et de celle de la France, de 1859 à nos jours ». Livre de mémoire plus que d’histoire, utile, avec un index des noms.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• <i>Lettres à Charles Maurras</i>, Presses universitaires du Septentrion, 256 pages, 22 euros.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">A. Callu et P. Gillet éditent les lettres envoyées à Maurras par certains de ses amis ou de ses proches. Ces correspondants sont classés par catégories : « les figures tutélaires » (Bainville, Montesquiou, Moreau, Vaugeois), « Les hommes de confiance » (de Vaulx, Schwerer), « Les intellectuels » (Brasillach, Maulnier), « Les ”bras armés” » (Pujo, Calzant, Lacour, Plateau, Real Del Sarte). Le classement est arbitraire, d’abord parce qu’il fait fi de la périodisation et du temps. Le compagnonnage, de plus de cinquante ans, entre Maurras et Pujo, n’est pas équivalant aux quelques années de relations directes entre Maurras et Brasillach. Certaines de ses lettres étaient déjà connues, d’autres sont inédites, tirées du Fonds Maurras aux Archives nationales. Les archives des correspondants auraient permis de préciser voire de corriger certaines affirmations, ainsi sur les conditions de la mobilisation de Maurice Pujo en 1915 qui furent le contraire de ce qui est dit.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• Guillaume GROS, <i>Philippe Ariès. Un traditionaliste non-conformiste</i>, Presses universitaires du Septentrion, 346 pages, 23 euros.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il s’agit de la première biographie de Philippe Ariès, fondée sur ses écrits (dont on trouve une bibliographie exhaustive, y compris les articles), des archives diverses et des témoignages. Le sous-titre résume l’itinéraire d’Ariès : « de l’Action française à l’École des hautes études en sciences sociales ». Devenu un pionnier de l’histoire des mentalités et des sensibilités, Ariès a connu une évolution intellectuelle que Georges Laffly avait pointée avec une juste acribie dans <i>Itinéraires</i> (n°224, juin 1978, p. 150-156), lors de la parution de <i>L’Homme devant la mort.</i> <br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• AMICUS, <i>Articles de politique religieuse, 1949-1952</i>, Éditions CRC (10260 Saint-Parres-lès-Vaudes), 286 pages, 10 euros.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L’abbé Georges de Nantes a collaboré à <i>Aspects de la France</i> du 10 février 1949 au 20 juin 1952, sous le pseudonyme de Claude Seyssel puis d’Amicus. Il y tenait une chronique politique religieuse où Maurras reconnaissait une « doctrine » qui va « plus haut », qui prolonge « ce que les plus grands esprits qui nous ont porté quelque intérêt ont pensé et exprimé : Mgr de Cabrières, le cardinal Billot… ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Les 117 articles rédigés par l’abbé de Nantes pour <i>Aspects de la France</i> sont publiés, y compris ceux qui avaient été refusés par l’hebdomadaire maurrassien.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• <i>Le Coup d’État</i>, sous la dir. de Christophe Boutin et Frédéric Rouvillois, éditions François-Xavier de Guibert, 420 pages, 25 euros.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Résultat d’un colloque organisé en 2004 à l’Université de Caen, le volume contient des études diverses sur cette notion politique qui est aussi une réalité aussi vieille que l’histoire des institutions. Les idées de Maurras sur le sujet sont évoquées dans la communication de Christophe Boutin, « Coup d’État et contre-révolution » (p. 169-190). La célèbre brochure <i>Si le coup de force est possible</i> (1910) est longuement analysée mais il manque d’autres textes maurrassiens sur le sujet. Et surtout l’évocation historique du concept dans l’histoire de l’AF est trop rapide et se fonde principalement sur des auteurs qui ont rompu avec le mouvement (Bernanos, Rebatet, Bernanos) à cause de son supposé immobilisme. L’attitude de Maurras et de l’AF en février 1934 aurait dû être expliquée de manière plus développée (il y a matière à un petit livre).<br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-38434672639460542092009-01-11T14:58:00.000-08:002009-12-24T10:10:09.913-08:00[Maurrassiana n°10] Du nouveau sur la condamnation de l’Action Française ? - par Yves Chiron<div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><span style="font-size: 85%;"><b>Maurrassiana - Janvier-Mars 2009 - IV<sup>e</sup> année - n° 10</b></span><br /><br /></div></div><div align="justify" style="font-weight: bold;"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><span style="font-weight: bold;">[Maurrassiana] Du nouveau sur la condamnation de l’Action Française ? - par Yves Chiron</span><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost publie, sur la condamnation de l’Action Française en 1926, un gros livre de quelque 600 pages<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>. Venant après les quelque 750 pages de Jacques Prévotat<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>, issues d’une thèse de doctorat, on pouvait se demander ce que Philippe Prévost était en mesure d’apporter de nouveau sur le sujet.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">L’auteur reprend l’explication qu’avait donnée l’Action Française à l’époque : la condamnation par le Vatican, prétextant des motifs religieux, n’avait que des motifs politiques. Dans un de ses derniers chapitres, Philippe Prévost résume ainsi <i><span style="font-style: normal;">« les raisons réelles de la condamnation » : « une raison de politique intérieure : terminer le ralliement ; une raison de politique extérieure : obliger les catholiques à soutenir la politique de Briand, politique qui avait l’entier appui du Vatican » (p. 530).</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost déroule ses démonstrations en s’appuyant sur des sources nouvelles (certaines archives du Vatican, notamment) ou des sources qu’il présente comme nouvelles (le Diaire du P. de La Brière, déjà cité dans divers ouvrages et revues). La 4<sup>e</sup> de couverture du livre nous dit qu’il apporte « quantité de révélations ». Disons-le d’emblée, malgré l’apport de quelques pièces inédites et des éclairages nouveaux sur certains épisodes, Philippe Prévost n’arrive pas à convaincre complètement ou, plutôt, le plus souvent il interprète mal ce qu’il a trouvé ou ce qui était déjà bien connu.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Pie XI caricaturé</b><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Avant d’aller au fond de la question, signalons diverses faiblesses de ce livre. La première, qui ne manquera pas de frapper le lecteur, est l’hostilité marquée, constante, à l’encontre de Pie XI. Une hostilité qui va jusqu’à la caricature, voire jusqu’au ridicule : le Pape aurait constitué avec les cardinaux Gasparri et Cerretti un « véritable tribunal révolutionnaire » pour condamner l’A.F. (p. 148). Pie XI est coupable d’un « viol des foules » (c’est le titre de la IIIe partie de l’ouvrage, p. 157). Il fait preuve d’un « délire répressif » (p. 204). Pie XI, comme Léon XIII, devraient être condamnés « non pas seulement pour crime contre la société civile, mais pour outrage envers Dieu » (p. 307).<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Dans la même veine : « Pie XI a purement et simplement mis l’Evangile au service d’une politique, de sa politique » (p. 310), il a utilisé ses pouvoirs religieux « à des fins politiques, dévoyant ainsi totalement la religion » (id.). Philippe Prévost dénonce encore « un pape plus soucieux de politique que de religion » (p. 392), un pape « négligeant complètement le péché originel et l’enseignement de l’Eglise depuis le Christ » (p. 561).<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Toutes ces formules, qui ne sont pas accidentelles, courent tout au long du livre. Elles sont indignes d’un historien et jettent la suspicion sur d’autres jugements et appréciations de l’auteur, qu’il s’agisse de son interprétation, complètement erronée, de ce qu’il appelle « le dogme du ralliement » ou de son analyse, très contestable, des positions de Pie XI en matière de politique étrangère.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Des sources incomplètes ou mal maîtrisées</b><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost avait déjà exploré les Archives du ministère des Affaires étrangères pour un précédent ouvrage sur le sujet<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>. Pour cette nouvelle étude, il a ajouté d’autres sources inédites : une petite partie des Archives du Saint-Siège sur le sujet et divers autres fonds, publics ou privés.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Cette exploration archivistique est méritoire, mais les archives ne suffisent pas si l’on ne maîtrise pas les sources imprimées, c’est-à-dire les études déjà réalisées sur les sujets qu’on étudie. Sur la condamnation de l’A.F., Philippe Prévost cite principalement la thèse de Jacques Prévotat, déjà mentionnée, et accessoirement deux tomes des <i>Etudes maurrassiennes</i> publiés en 1986. Il semble ne connaître aucun ouvrage de Jean Madiran sur Maurras. Il n’utilise ni ne cite le <i>Bulletin Charles Maurras</i> qui, dès son premier numéro, a publié des documents inédits sur la non-condamnation de 1914 et qui, ensuite, a abordé, à différentes reprises, la question de la condamnation de 1926 ; notamment en consacrant un dossier spécial à la thèse de Jacques Prévotat, avec, entre autres, une lumineuse étude d’Emile Poulat qui ne s’attardait pas, une énième fois, aux péripéties de l’affaire mais cherchait une compréhension plus profonde<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost ne cite pas, même dans sa bibliographie, le numéro spécial que la revue <i>Itinéraires</i> avait consacré à Maurras en avril 1968, pour le centenaire de sa naissance. On ne peut tout lire et tout citer. Mais dans ce volume, réédité il y a quelques années<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>, on lit, notamment, une analyse d’un très grand intérêt : « Une opinion sur l’Action française » par l’abbé Berto. L’abbé Berto n’était pas n’importe qui. Il avait été le disciple du P. Le Floch au Séminaire français de Rome. Il fut un théologien éminent, appelé comme tel au concile Vatican II par Mgr Lefebvre. Il est un éminent représentant de « l’esprit romain » (« un vétéran de la romanité » se définissait-il en 1968), ni maurrassien ni « intégriste »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>, mais assurément antilibéral et intransigeant.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Or, l’abbé Berto, dans l’étude citée, fait valoir que Pie XI a condamné l’A.F. « pour des motifs d’ordre spécifiquement, directement et immédiatement religieux » – on remarquera qu’il n’a pas dit « uniquement religieux », il n’a pas dit, non plus, « doctrinaux ». L’abbé Berto expliquait aussi : « Pie XI jugeait irrecevable la réduction de toute la science politique à n’être qu’une science empiriologique n’ayant avec la foi, la théologie et la morale catholique que des rapports extrinsèques, mais jouissant comme la physique ou la chimie d’une autonomie intrinsèque ».<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Cette analyse des causes religieuses de la condamnation de l’A.F., Philippe Prévost ne la connaît pas, à moins qu’il n’arrive pas à en saisir la portée. Elle a été reprise, de nos jours, dans une approche plus didactique, par l’abbé Grégoire Celier ; Philippe Prévost semble l’ignorer aussi<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Sur Pie XI et son pontificat, les sources de Philippe Prévost sont d’une grande pauvreté. Il ne cite ni n’utilise aucune biographie de ce pape, française ou étrangère. Ce qui peut le conduire à écrire des erreurs. Par exemple : « Pie XI était étranger à la culture française » (p. 476). Or, avant qu’il ne soit pape, Mgr Ratti a séjourné à plusieurs reprises en France, pendant plus de vingt-cinq ans il a été aumônier des sœurs du Cénacle à Milan (dont un grand nombre étaient françaises) et il a publié certaines de ses études historiques directement en français.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Les sources de Philippe Prévost sur la politique étrangère de Pie XI sont d’une pauvreté affligeante : sur les rapports du Saint-Siège et de l’Allemagne nazie, par exemple, il ne cite qu’un ouvrage, révisionniste, sous pseudonyme, paru en Belgique en 1999. Philippe Prévost en vient à estimer que dans la célèbre encyclique contre le nazisme, <i>Mit Brennender sorge</i> (1937), « le racisme n’était condamné qu’avec de multiples précautions » (p. 408). Or, dans cette encyclique, Pie XI condamne fortement « le culte idolâtrique » de la race, « la vaine tentative d’emprisonner Dieu, le créateur de l’univers […] dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la communauté de sang d’une seule race ».<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">On se demande parfois si Philippe Prévost a bien lu les textes de Pie XI qu’il évoque. Ainsi à propos des « associations cultuelles diocésaines », autorisées en France par l’encyclique <i>Maximam Gravissimamque</i> (18 janvier 1924), Philippe Prévost nous dit que cela « marquait la reconnaissance par l’Eglise de la loi de 1905 et par conséquent de la philosophie de cette loi à savoir que la religion devait se cantonner dans la sphère privée » (p. 89). Or, l’encyclique, si elle autorise la création des diocésaines comme un « remède destiné à éloigner des maux plus grands », réaffirme que la loi de séparation de l’Eglise et l’Etat de 1905 reste condamnée, rappel qui mécontentera le gouvernement français<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a>.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Enfin, dans l’utilisation des sources, on pourra reprocher à Philippe Prévost un manque d’esprit critique. Il prend pour agent comptant toutes les affirmations et analyses des diplomates français en poste à Rome, oubliant que ceux-ci ne sont pas des observateurs sans parti-pris et exactement informés, mais les représentants d’un gouvernement républicain qui défend ses intérêts.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Quand il s’agit de sources non-diplomatiques, le manque d’esprit critique amène parfois Philippe Prévost à accréditer des propos étranges. Ainsi, à deux reprises, à propos de Pie XII. En 1939, le Souverain Pontife aurait dit à l’abbé Lefèvre : « Je vous charge de remercier vos amis de leur courageuse résistance à une condamnation indue » (p. 529).<i><span style="font-style: normal;"> Après guerre, il aurait dit à Edmond Michelet : « Si l’Action Française n’avait pas été condamnée, elle aurait constitué un rempart en face du nazisme et du communisme et cela aurait évité des millions de morts, le génocide des juifs et la domination par Staline de la moitié de l’Europe » (p. 555). Ces deux propos sont, pour le moins, étonnants et, le deuxième est d’une telle exagération qu’on peut douter de son authenticité. Les « témoins » ne sont pas infaillibles, ils peuvent amplifier, exagérer, déformer des propos entendus.</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>« Obliger les catholiques à soutenir la politique de Briand » ?</b><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">En voyant dans la politique étrangère de Pie XI une des causes de sa condamnation de l’A.F., Philippe Prévost reprend l’explication qu’avait donnée le mouvement monarchiste à l’époque. Le germanophile Pie XI aurait voulu, en condamnant l’A.F., écarter la principale force d’opposition à la politique étrangère d’Aristide Briand qui « avait été érigée en dogme au Vatican » (p. 339). Mais, quelques pages plus loin, l’auteur nous dit qu’il y a eu, longtemps, chez Pie XI une « volonté obstinée d’abaisser la France au profit de l’Allemagne » (p. 392).<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Comment le Pape aurait-il pu concilier ces deux objectifs : soutenir la politique, pacifiste et européiste, de Briand et « abaisser la France » ? À moins de considérer que la politique de Briand consistait à « abaisser la France »...<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">En fait, le premier acte de la condamnation de l’A.F. – la lettre du cardinal Andrieu – a été porté sans que le gouvernement français en ait été informé et le « réquisitoire de Bordeaux » ne porte en rien sur des questions de politique étrangère. Pie XI, dans ses interventions ultérieures, ne les évoquera pas non plus.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Certes, Pie XI a cru possible, dans les années d’après-guerre, de construire une Europe nouvelle et il a pu croire, à un moment, que la politique menée par Briand pouvait contribuer à cette construction. Mais le pape n’a pas mené une « politique » pro-allemande, ou anti-française, ou pro-italienne.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost nous dit que Pie XI, en matière de politique étrangère, comme dans la question de l’Action Française, « a confondu politique et religion » (p. 554). Comme si, pour un Pape, les deux domaines étaient indépendants. Pie XI, comme tous les papes avant et après lui, a mené une politique religieuse, c’est-à-dire une action publique qui avait des finalités religieuses. Sa première encyclique, <i>Ubi arcano Dei </i>(1923), programmatique de son pontificat, est consacrée aux moyens d’établir « La paix du Christ dans le Règne du Christ » : « La véritable paix ne peut venir que du Christ et de son Eglise. Il faut rétablir “le Règne du Christ“ dans la famille, à l’école, dans la société ».<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Un fin connaisseur de Pie XI a fait remarquer : « Les positions de Pie XI, se voulant universelles et éthiques [on pourrait dire, plutôt, religieuses], l’ont conduit à des politiques diverses. Le jugement de l’historiographie n’est donc pas toujours serein, se plaçant justement dans des perspectives nationales.<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn9" name="_ftnref9" title="">[9]</a> »<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Certes, Pie XI n’a pas été infaillible dans ses analyses de politique étrangère. Il s’est fait des illusions sur les bienfaits de la politique de Briand, mais pas au point qu’elle mérita qu’on lui sacrifie l’Action française. Il n’y a pas de lien direct entre la politique européenne de Pie XI et la condamnation de l’Action Française. Et Pie XI est revenu, assez vite, de ses engouements pour la politique de Briand. Il le dit publiquement dès février 1934 (entretien accordé à <i>L’Intransigeant</i> le 2 février et allocution du 13 février). Le 13 février, il a des mots sévères pour une « paix faite de paroles, de discussions, de va-et-vient, de conférences inutiles qui finissent toujours pas de nouveaux désaccords réciproques et de nouveaux éloignements. »<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Le « dogme du Ralliement » ?</b><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost voit dans la volonté d’un second Ralliement – venant après celui de Léon XIII – l’autre raison de la condamnation de l’Action française. Cette fois, on peut considérer qu’il a bien cerné la volonté de Pie XI, mais il lui donne un sens faussé.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Philippe Prévost qualifie, de manière répétée, ce ralliement (en deux étapes) de « dogme » : « Léon XIII, en faussant saint Paul, inventa un nouveau dogme, le dogme du ralliement » (p. 24). Il définit ce <i><span style="font-style: normal;">« dogme longuement mûri » comme « ”une adhésion fondamentale“ à un régime qui se proclamait laïc, scientiste, naturaliste, héritier de la Révolution française et donc par essence antichrétien » (p. 534).</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i><span style="font-style: normal;">Le mot « dogme » est malheureux et le contresens sur le ralliement est total. Une telle définition travestit le sens du ralliement voulu par Léon XIII et poursuivi par Pie XI. Le ralliement de Pie XI – si on veut conserver le mot – n’est certainement pas la volonté d’obliger les catholiques à n’accepter que la forme républicaine de gouvernement (Pie XI dit même le contraire dans sa lettre au cardinal Andrieu). C’est la volonté d’entretenir de bonnes relations avec la France républicaine, comme le Pape a essayé d’entretenir de bonnes relations avec l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie, l’Espagne républicaine ; non par approbation des idéologies de ces régimes (républicain, fasciste, nazi) mais pour préserver ou accroître les possibilités d’action et d’expression de l’Eglise. La finalité du ralliement, de Léon XIII à Pie XI, était bien religieuse.</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i><span style="font-style: normal;">En lien direct avec cet objectif, Pie XI, en condamnant l’Action française, poursuit un dessein vaste et ambitieux : unifier les catholiques par « tout un ensemble d’organisations, de programmes et d’œuvres » menés par des laïcs sous l’autorité des évêques (l’expression et l’idée se trouvent dans la première encyclique, déjà citée). La condamnation de l’A.F. a été un des moyens employés pour atteindre cet objectif, comme l’appui donné à la Fédération Nationale Catholique du général Castelnau et, de manière plus générale, à l’Action Catholique.</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i><span style="font-style: normal;">Ce qui est en cause dans cette dramatique affaire de la condamnation de l’AF, ce n’est pas la fin – les raisons en sont bien religieuses –, mais les moyens qui ont scandalisé beaucoup, y compris dans la hiérarchie ecclésiastique.</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i><span style="font-style: normal;">Pour terminer cette lecture critique du livre de Philippe Prévost par une note positive. Il a démêlé, avec un certain bonheur, deux dossiers polémiques : l’affaire Cerretti en 1926</span></i><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span style="font-family: Garamond;">[10]</span></a><i><span style="font-style: normal;"> et l’affaire Maglione en 1932. Il insiste avec raison, après d’autres, sur l’absence regrettable d’un exposé des motifs religieux de la condamnation par Pie XI. Ses pages sur la levée de condamnation du journal en 1939, par Pie XII, montrent bien qu’il n’y avait pas de motivation doctrinale à la condamnation. Mais, avec l’abbé Berto, on doit maintenir qu’il y avait bien eu, chez Pie XI, au départ, une motivation directement religieuse.</span></i><br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i><b><span style="font-style: normal;">Yves Chiron</span></b></i><br /><br /></div></div><hr /><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i>Maurrassiana</i>, bulletin édité par l’Association Anthinéa 16, rue du Berry – 36250 Niherne<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le numéro : 2,50 euros. Abonnement d’un an (4 numéros) : 10 euros. Abonnement étranger : 15 euros.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;">Directeur de la publication : Yves Chiron. ISSN : 1952-8841. Dépôt légal : 1e trimestre 2009<br /><br /></div></div><hr /><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Philippe Prévost, <i>Autopsie d’une crise politico-religieuse. La condamnation de l’Action Française. 1926-1939,</i> Librairie canadienne (29 rue de la Parcheminerie, 75005 Paris), 597 pages, 20 euros.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> Jacques Prévotat, <i>Les Catholiques et l’Action française. Histoire d’une condamnation. 1899-1939</i>, Fayard, 2001.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> <i>La condamnation de l’Action française vue à travers les archives du ministère des Affaires étrangères</i>, Librairie canadienne, 1997.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> Émile Poulat, « Saint-Siège, Sillon et Action française »<i>, Bulletin Charles Maurras</i>, n° 12, oct-déc. 2001, p. 6-16.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a> <i>Lorsque Maurras eut les cent ans</i>, Editions BCM, 2002. L’étude de l’abbé Berto couvre les pages 77 à 92.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a> Quand il évoque le cas du P. Le Floch, Philippe Prévost le qualifie très abusivement d’ « intégriste » (p. 279), méconnaissant la spécificité de « l’esprit romain ». Quand il évoque les épisodes qui ont contraint le P. Le Floch à démissionner, Philippe Prévost, faute d’avoir consulté les abondantes archives de l’ancien supérieur du Séminaire français de Rome, lui donne imprudemment tort dans l’affaire du P. Keller.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a> Grégoire Celier, « Une opinion sur Charles Maurras et le devoir d’être catholique », <i>Cahier de Chiré</i>, n° 5, 1990 ; étude publiée à nouveau, dans une version corrigée, dans le <i>Bulletin Charles Maurras</i>, n° 9, janvier-mars 2001.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref8" name="_ftn8" title="">[8]</a> Comment Philippe Prévost peut-il ignorer le dossier documentaire exhaustif (182 pièces, presque toutes inédites, et XI annexes) publié par Emile Poulat, <i>Les Diocésaines</i>, La Documentation française, 2007 ? E. Poulat résume ainsi la situation : « Il n’était pas question, en France, de revenir sur la séparation de 1905, et pas davantage pour le Saint-Siège, dans ces conditions, de lever sa condamnation. Quatre années de négociations diplomatiques permirent cependant de trouver ce qu’on a appelé un <i>modus vivendi</i> » (p. 558).<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref9" name="_ftn9" title="">[9]</a> Marc Agostino, « Les nations et Pie XI : le bon grain et l’ivraie », in <i>Nations et Saint-Siège au XXe siècle</i>, Fayard, 2003, p. 47.<br /><br /></div></div><div align="justify"><div align="justify" style="line-height: 150%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=409573273653127216#_ftnref10" name="_ftn10" title="">[10]</a> Mais, comme souvent, P. Prévost va au-delà de ce que disent les documents. Dans l’affaire Cerretti-Lepercq, Pie XI, la nonciature et le ministère de l’Intérieur auraient été complices (p. 183-185). L’accusation est grave et, à mon avis, infondée. <br /></div></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-5538043487406301772008-11-27T15:28:00.000-08:002009-12-24T10:10:08.979-08:00[Maurrassiana n°9] Henri Lemoine, Charles Maurras et le carlisme - par Yves Chiron<div align="justify" style="color: black; font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><b>Maurrassiana - </b></span><span style="font-size: 85%;"><b>Octobre-Décembre 2008 - </b></span><span style="font-size: 85%;"><b> 3<sup>ème</sup> année </b></span><span style="font-size: 85%;"><b>– n° 9</b></span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="color: white; font-size: 130%;"></span></b><span style="font-size: 100%;">La querelle dynastique survenue en Espagne après la mort de Ferdinand VII (1833) a intéressé la presse française parce que la France avait connu, par la révolution de 1830, une situation très proche : le roi légitime, Charles X, avait été contraint d’abdiquer et la branche cadette, en la personne de Louis-Philippe d’Orléans, avait accédé au trône. La querelle dynastique entre « légitimistes » et « orléanistes » durera jusqu’à la mort du représentant de la branche aînée des Bourbons, le comte de Chambord, en 1883. L’opposition entre légitimistes et orléanistes français ne recouvrait pas qu’une querelle dynastique, mais correspondait aussi à une vision différente de ce qu’est la monarchie. À la conception légitimiste de la monarchie — une monarchie traditionnelle, chrétienne et organique — s’opposait la conception orléaniste : une monarchie qui acceptait certains acquis de la Révolution de 1789 et une pratique pragmatique du pouvoir.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La guerre qui a opposé les partisans de la reine Isabelle, fille de Ferdinand VII qui n’avait que trois ans, au prétendant Don Carlos, frère de Ferdinand VII, a intéressé aussi l’opinion publique parce que la France a pris parti dans la première guerre carliste. Louis-Philippe a apporté son soutien à la Régente, mère d’Isabelle, contre Don Carlos. En 1835, il a envoyé un corps expéditionnaire de 4.000 hommes, sous le commandement du général Degrelle. Les troupes françaises combattront les troupes carlistes jusqu’en 1837.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Pourtant, comme l’a remarqué un des rares historiens français du carlisme, « la bibliographie française sur le carlisme est peu abondante. […] elle ne comporte aucun ouvrage de large portée »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>. </span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">On peut signaler quand même quelques ouvrages contemporains de la première guerre carliste (1833-1840).</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Cette première guerre n’est pas terminée qu’un Français évoque, dans un récit épique, la mort héroïque du chef carliste, Don Tomas Zumalacarregui : Alexis Sabatier, <i>« Tio Tomas ». Souvenirs d’un soldat de Charles V</i> (Bordeaux, 1836). L’ouvrage n’est pas anodin parce que Sabatier a fait partie de ces quelques centaines de légitimistes français qui ont rejoint l’Espagne pour combattre aux côtés des carlistes.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">On signalera encore le vicomte Alphonse de Barrès Du Molard qui a publié des <i>Mémoires sur la guerre de Navarre et des provinces basques, depuis son origine en 1833, jusqu’au traité de Bergara en 1839</i> (Paris, 1842). De Barrès a été, lui aussi, parmi les volontaires français aux côtés des carlistes.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Enfin, Victor Doublet, auteur de romans populaires, publiera une <i>Vie de S.M. don Carlos V de Bourbon, roi d’Espagne</i> (Bourges, 1841) dont le titre dit, de lui-même, dans quel camp l’auteur se rangeait.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Henri Lemoine</span></b><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Dans les derniers temps de la troisième et dernière guerre carliste (1872-1876), un légitimiste français, Henri Lemoine – il était avocat et rédacteur en chef du <i>Courrier de la Dordogne </i>– va multiplier les brochures pour défendre le carlisme. Il le fait au regard du droit dynastique et en fonction des principes.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Après l’intermède de la Première république espagnole (1868-1874), la monarchie avait été rétablie en faveur d’Alphonse XII grâce au <i>pronunciamento</i> de Martinez Campos, le 29 décembre 1874. Cette restauration, en faveur de la branche qu’ils jugeaient illégitime, semblait sonner le glas des carlistes.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Quelques mois plus tard, Henri Lemoine publie <i>Don Carlos, roi légitime</i> (Paris, 1875). Il explique que Don Carlos (« Charles VII »), est le roi légitime de l’Espagne « en vertu de la constitution fondamentale du royaume » ; tandis qu’Alphonse XIII ne tient son pouvoir que du « succès d’un <i>pronunciamento</i> » et par « la seule espérance du parti libéral de faire à sa guise la révolution en Espagne »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Henri Lemoine fait l’éloge de la loi de succession espagnole, approuvée par les Cortès en 1713, et il la qualifie de loi de « succession quasi-salique ». Il estime que Ferdinand VII, en n’appliquant pas l’antique tradition successorale, « a sacrifié le bonheur de l’Espagne à son aveugle tendresse pour sa fille, pour sa quatrième femme et pour sa mère. Trois femmes l’ont emporté sur l’intérêt de la patrie »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>. Les droits de Don Carlos « ont été violés » et en lui « s’incarne la patrie sacrifiée ».</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Victor Gay, qui analysait « La pragmatique de 1789 » dans le même ouvrage, estimait quant à lui : « Les libéraux détestaient dans Don Carlos son attachement à la religion catholique, et son respect pour les vieilles franchises espagnoles. Ils ont abusé de la faiblesse et de la maladie du roi (Ferdinand VII), pour lui arracher une promesse contraire aux intérêts du royaume »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Ces analyses mêlaient considérations juridiques (dynastiques) et jugement politique. Un an plus tard, Henri Lemoine publie un autre opuscule pour montrer que légitimistes français et carlistes espagnols combattent au nom des mêmes principes<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La dernière guerre carliste avait pris fin depuis peu, le 28 février 1876. La « brochure de propagande », à « 5 centimes l’exemplaire », de Lemoine défendait la cause carliste et, surtout, visait à montrer aux légitimistes français que cette cause est identique à la leur.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">« Nous sommes légitimistes pas principe, nous sommes carlistes par principe » écrit-il. Lemoine refuse l’abandon des <i>principes</i>. C’est l’abandon des principes, écrit-il, « qui a rouvert en 1830 l’ère des révolutions, qui a permis à certains esprits de se rallier, sans scrupule à tous les gouvernements »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>. Dans un propos qui rappelle les déclarations du comte de Chambord, Henri Lemoine écrit : « Seuls les principes peuvent sauver les nations »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La défense des principes peut amener à prendre les armes pour s’opposer à un pouvoir illégitime : « il y a des cas où la prise d’armes est un devoir »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a>. En défendant les principes dynastiques, Don Carlos a défendu l’Espagne-même. « C’est contre une suite de gouvernements révolutionnaires que Charles VII a défendu la nationalité espagnole »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn9" name="_ftnref9" title="">[9]</a> ; l’alphonsisme n’est qu’une « forme nouvelle de la Révolution »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn10" name="_ftnref10" title="">[10]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Henri Lemoine compare les combattants des guerres carlistes aux combattants vendéens et chouans qui, à l’époque de la Révolution française, ont pris les armes pour défendre <i>Dieu et le Roi</i>. Il écrit : « L’éternel honneur de la France sera d’avoir eu des combats de géants pour Dieu et le Roi ; et les Vendéens, qui se <i>révoltèrent</i> contre la Convention, pouvoir parfaitement <i>légal</i> dans le sens qu’on donne à ce mot au point de vue des faits accomplis, resteront des héros et des martyrs de la foi catholique et royaliste. »</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La similitude entre carlisme espagnol et légitimisme français provient de l’identité des principes qui animaient les deux révoltes.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Maurras, l’Espagne et le carlisme</span></b><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Une génération plus tard, Charles Maurras, regardera l’Espagne avec sympathie, comme une « sœur latine », espérant « la renaissance de cette grande et noble nation espagnole dont nous avons toujours désiré l’amitié »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn11" name="_ftnref11" title="">[11]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La vision maurrassienne de la monarchie correspond tout à fait à celle des carlistes. Maurras l’a définie en une formule devenue célèbre : une monarchie « héréditaire et traditionnelle, antiparlementaire et décentralisée ». L’hérédité est le pivot, et pour ainsi dire la condition, des autres caractéristiques de la monarchie.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Dans le fameux « Discours préliminaire » de son <i>Enquête sur la monarchie</i>, Maurras définit la démocratie comme foncièrement anti-héréditaire : « La loi de la démocratie est d’exclure l’hérédité ; elle se déclare le gouvernement du plus grand nombre : tantôt césarienne ou plébiscitaire, elle est le gouvernement du chef unique élu par ce nombre ; tantôt, républicaine, elle veut être le gouvernement de tous par tous, et elle est en réalité le gouvernement de plusieurs que le nombre est censé avoir choisis. »</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La monarchie, elle, vaut d’abord par le principe d’hérédité : « la restauration de la royauté légitime vaut par la promesse d’autorité indépendante, faiseuse d’ordre et de paix, qui est contenue dans la loi qui transmet la souveraineté de mâle en mâle par ordre de primogéniture. Il n’y a presque point d’outrance à dire comme le faisait l’un de nous à des royalistes portugais et hongrois : — Qu’est-ce que la royauté ? L’hérédité de la couronne. Qu’est-ce que l’hérédité ? La loi de succession.<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn12" name="_ftnref12" title="">[12]</a> »</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Pour Maurras, depuis la mort, sans héritier, du comte de Chambord, en 1883, la question dynastique était réglée en France. La famille d’Orléans était devenue la Maison de France et Maurras s’est mis au service des prétendants successifs appartenant à cette branche cadette des Bourbon : Philippe VIII, duc d’Orléans ; Jean III, duc de Guise ; Henri VI, comte de Paris.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras se garda de prendre parti publiquement dans la querelle dynastique espagnole. Mais il était trop intéressé par l’Histoire pour ne pas mesurer l’importance du principe incarné par Don Carlos. Il l’a écrit alors qu’Alphonse XIII régnait encore : « dans cette Espagne où le droit de Castille, le droit indigène, fonde la succession en ligne féminine, qui donc fut pendant très longtemps l’unique champion des traditions les plus anciennes et les plus chères du pays, de ses <i>fueros</i> sacrés ? Ce fut l’héritier de la loi salique, le tenant du droit bourbonien ! Ce fut don Carlos ! »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn13" name="_ftnref13" title="">[13]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras jugeait sévèrement la monarchie qui, entre les deux républiques, avait été restaurée. Il estimait que durant les règnes d’Alphonse XII (déc. 1874-1885) et d’Alphonse XIII (1886-1931) « la pauvre Espagne » a été « la victime claire et certaine » d’un régime « dit libéral, en réalité parlementaire », imité de la monarchie anglaise où le roi règne mais ne gouverne pas<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn14" name="_ftnref14" title="">[14]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Pourtant, après la révolution de 1931 et l’instauration de la Seconde République espagnole, Maurras plaidera pour le rétablissement de la monarchie en Espagne : « Une Monarchie, seule, est capable d’entreprendre la grande œuvre de restauration de l’Espagne.<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn15" name="_ftnref15" title="">[15]</a> »</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Lors de la guerre civile qui déchira, de façon si sanglante, l’Espagne — entre 1936 et 1939 —, Maurras se rangea d’emblée aux côtés des nationalistes. En 1938, il se rendit en Espagne pour saluer Franco et son combat national contre la Révolution ; c’est, dit-il, le combat de « la civilisation occidentale contre l’anarchie et la barbarie » <a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn16" name="_ftnref16" title="">[16]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Dès cette époque, il espérait que le Caudillo serait le restaurateur de la monarchie en Espagne, comme le fut, en Angleterre, le général Monk, en 1660, après la première révolution anglaise.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Après la mort d’Alfonso Carlos (le 29 septembre 1936), sans descendance mâle directe, la question dynastique en Espagne semblait pouvoir trouver une solution. A quelques semaines de la victoire nationaliste, Maurras espérait une réconciliation entre carlistes et alphonsistes : « l’avenue des bons succès nous semble ouverte par la réconciliation des Carlistes et des Alphonsistes : le droit de Castille et le droit de Bourbon, incarnés au même infant, les conditions politiques semblent d’accord avec la circonstance juridique pour élever, suivant une vieille définition de notre <i>Enquête sur la monarchie</i>, un prince héréditaire, supérieur aux assemblées, mais auprès duquel des assemblées représenteraient les vœux du pays, et qu’on nommerait ainsi un “César avec des <i>fueros</i>“, soit un César sans césarisme, — chef national ne partageant avec personne son autorité, mais dont l’autorité rencontrerait sa limite naturelle dans les “forts“ ou les droits du pays.<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn17" name="_ftnref17" title="">[17]</a> »</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Charles Maurras ne pouvait imaginer que Franco retarderait tant la restauration de la monarchie. Il lui paraissait « exclu » qu’après tant de crises au XIXe et dans le premier tiers du XXe siècle, l’Espagne renoue avec une monarchie de « régime dit libéral, en réalité parlementaire »<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftn18" name="_ftnref18" title="">[18]</a>. C’est pourtant ce qui se passera en 1975.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">---------------<br /></span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="font-size: 85%;">[1]</span></a><span style="font-size: 85%;"> Joseph Zabalo, <i>Le carlisme. La contre-révolution en Espagne</i>, Biarritz, J & D Editions, 1993, p. 227.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> <i>Id.</i>, p. 5.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> <i>Ibid.</i>, p. 12.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> <i>Ibid.</i>, p. 21.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a> Henri Lemoine, <i>Légitimistes et carlistes</i>, Paris, 1876.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a> <i>Id.</i>, p. 4.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a> <i>Ibid.</i>, p. 6.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref8" name="_ftn8" title="">[8]</a> <i>Ibid.</i>, p. 9.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref9" name="_ftn9" title="">[9]</a> <i>Ibid.</i>, p. 11-12.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref10" name="_ftn10" title="">[10]</a> <i>Ibid.</i>, p. 14.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref11" name="_ftn11" title="">[11]</a> <i>Action française</i>, 19 février 1939.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref12" name="_ftn12" title="">[12]</a> Charles Maurras, <i>Enquête sur la monarchie</i>, N.L.N., 1924 (éd. définitive), p. LXXXV.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref13" name="_ftn13" title="">[13]</a> <i>Action Française</i>, 22 janvier 1910, repris dans <i>Dictionnaire politique et critique</i>, Paris, A. Fayard, 1933, t. V, p. 81 (art. « Roi »).</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref14" name="_ftn14" title="">[14]</a> <i>Action française</i>, 19 février 1939.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref15" name="_ftn15" title="">[15]</a> <i>Action Française</i>, 19 février 1939.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref16" name="_ftn16" title="">[16]</a> Il racontera ce voyage et les conclusions qu’il en a tirées dans un livre : <i>Vers l’Espagne de Franco</i>, Paris, 1943.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref17" name="_ftn17" title="">[17]</a> <i>Action Française</i>, 19 février 1939.</span><br /></div><div style="font-family: inherit;"><span style="font-size: 85%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5590300589308517637#_ftnref18" name="_ftn18" title="">[18]</a> <i>Id.</i></span><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-2302399019298407602008-08-01T15:26:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.960-08:00[Maurrassiana n°7-8] Maurras, Drumont, Thiébaud et le suffrage universel - par Yves Chiron<div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; font-style: italic; font-weight: bold; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;">paru dans MAURRASSIANA d'avril-septembre 2008 – n°7-8</span><br /></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">À partir du 19 novembre 1902 et jusqu’au 23 janvier 1903, Charles Maurras a publié, dans <i>La Libre Parole</i>, six « Lettres à Edouard Drumont ». Après les espoirs et les échecs des nationalistes entre la fin des années 1880 et les dernières années 1890 (le boulangisme, la tentative improvisée de coup d’Etat militaire par Déroulède), le directeur de <i>la Libre Parole</i> avait lancé aux nationalistes une question publique : « Que faire ? ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras n’avait pas attendu la question publique de Drumont pour s’interroger. C’est deux ans auparavant qu’il avait commencé à publier, dans <i>la Gazette de France</i>, sa célèbre « Enquête sur la monarchie ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">En intervenant dans le journal de Drumont, Maurras, alors que le journal <i>l’Action Française</i> n’existe pas encore, cherche à convaincre le public antisémite et plébiscitaire que la question du « Que faire ? » doit être résolue avant celle du « Comment faire ? ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras veut aussi « faire réfléchir quelques lecteurs sur trois ou quatre points essentiels ». Il les énumère ainsi :</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">1°) l’intérêt général français ne sera jamais bien servi, sera même toujours trahi par un pouvoir soumis à l’élection ;<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">2°) les grands événements politiques ont toujours été déterminés par une minorité énergique ;<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">3°) il existe un programme qui répond aux vœux essentiels des meilleurs, des plus éclairés, des plus désintéressés de nos patriotes ; c’est le programme royaliste […]<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"><i>4°) il ne faut point mépriser les théories, mais examiner si elles sont justes.</i> [1] <i><o:p> </o:p> </i></span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Après les trois premières lettres de Maurras à Edouard Drumont, Georges Thiébaud s’est invité dans le débat en prônant « la solution républicaine » (article publié dans <i>la Libre Parole</i> le 12 décembre 1902). Thiébaud, proche de Déroulède et de Drumont, estimait que la solution à la crise traversée par la République était de faire élire son Président au suffrage universel.</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Dans sa 4<sup>e</sup> lettre à Drumont, le 26 décembre suivant, Maurras répond longuement à Thiébaud[2].</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">La logique républicaine</span></b><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras ne croit pas « à la bonté, à la souveraineté, à l’infaillibilité du suffrage universel ». Le plébiscite (ou le recours au suffrage universel pour désigner le Chef de l’Etat) ne lui apparaît que comme une des conséquences de la logique républicaine :</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Personne n’ignorait que la doctrine et la logique de la République réclament le plébiscite. Mais cette logique et cette doctrine réclameraient bien d’autres choses !<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Est-ce que la liberté républicaine ne veut pas logiquement l’anarchie ?<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Est-ce que l’égalité républicaine n’exige pas logiquement le partage des biens ?<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Est-ce que la fraternité républicaine n’implique pas logiquement l’abolition des frontières ?<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Quand on s’occupe de pourvoir au salut public, on ne recherche pas le logique, mais l’utile, mais le bon.<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Thiébaud fait consister la République dans le suffrage universel direct : il veut y faire élire les sénateurs et le Président ; mais, je l’en prie, pourquoi pas les juges, les préfets, les percepteurs, les officiers et les curés ?<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Hélas ! pour généraliser, pour intégraliser ainsi la République et le suffrage universel direct, il faudrait être satisfait de leurs produits partiels.<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Pour le moment, note Maurras, le « vieux parti républicain rejette le plébiscite parce qu’il n’en a pas besoin pour se maintenir ». Mais, le jour où il le jugera nécessaire, il l’instituera, sûr de l’emporter avec ses relais bien établis – « l’administration et la fortune mobilière, la bureaucratie et l’argent, des porte-plume et des porte-voix ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Au passage, mais on comprend bien que ce n’est pas une considération secondaire, Maurras explique pourquoi il est facile de « tromper » les électeurs :</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">La France contemporaine se décompose en trois fragments :<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">1°) Ce parti de l’Etranger qui sait ce qu’il veut et qui le veut bien ;<o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">2°) Une masse amorphe, apathique, affairée, qui restera indifférente jusqu’à la catastrophe, étant presque sans opinion, étant presque sans inquiétude ; <o:p> </o:p> </span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"><i>3°)</i> <i>Un grand nombre d’honnêtes gens, de vieux Français, souvent aisés, quelquefois riches, véritable élite morale et mentale du pays, mais désorganisée, divisée, indécise. Minorité par rapport à la grande masse, elle forme une majorité écrasante par rapport au petit ramas de Métèques, de Juivaillons et de Huguenots dont elle est pourtant la sujette, faute de savoir au juste ce qu’elle veut, ou faute de vouloir ce qu’elle sait fort bien.</i></span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Éliminer la « dictature élective »</span></b><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras souligne le phénomène d’inversion qui est constitutif du suffrage universel : alors que les citoyens sont censés exercer leur liberté en votant pour tel ou tel candidat, une fois l’élection passée c’est comme s’ils s’étaient livrés pieds et poings liés aux élus. Ils deviennent impuissants à empêcher les décisions prises en leur nom ou les lois votées par leurs représentants. Mais ce peut être aussi une dépendance réciproque, une sorte d’esclavage mutuel. Maurras parle d’une « dictature élective » (celle exercée par les maires ou députés, demain celle du Président) qui reste néanmoins « esclave de l’opinion ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Seul un « système héréditaire » peut « éliminer toute dictature élective ». Le système héréditaire rend le patrimoine « inné dans le cœur des rois » dit Bossuet, que Maurras cite en ajoutant : « un prince héréditaire est contraint, par sa position, à incarner tous les intérêts nationaux. »</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">L’intérêt de l’Etat et l’intérêt de la nation se conjuguent :</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">…le prince, en concentrant dans ses Conseils toute autorité politique, affranchirait les citoyens des politiciens et des bureaucrates. L’Etat délivré de la tyrannie parlementaire assumerait toute son immense tâche d’Etat ; mais il cesserait, d’autre part, de se mêler de ce qui ne le regarde point. Il se contenterait de protéger les particuliers contre les Juifs, contre les marchands d’or et de papier. On pourrait décentraliser les communes et les provinces, rendre aux associations leur liberté ancienne, qui dans l’ancienne France fut prodigieuse, donner aux corps de métiers la faculté de posséder et de gérer leurs biens sans vaine tracasserie, affranchir et doter le prolétariat : bref, rendre l’initiative et l’activité à la multitude de nos petites républiques locales et professionnelles, fédérées entre elles et placées sous l’autorité protectrice du roi, centre vivant de l’unité de la nation.</span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="color: black; font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Infléchir l’antisémitisme</span></b><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Dans ces six « Lettres à Edouard Drumont », Maurras aborde à plusieurs reprises la question juive. Dans sa première Lettre, le 19 novembre 1902, il remercie Drumont pour <i>La France Juive</i>, « grand livre » qui a éclairé ses dix-huit ans (le livre est de 1886) et qui a apporté « la doctrine entière de l’Antisémitisme ». Le nationalisme, estime Maurras, est redevable à Drumont d’ « une méthode : l’Offensive ».</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">On ne reviendra pas, ici, sur l’antisémitisme maurrassien, et son évolution. Il faut lire ce que Maurras écrit des Juifs en 1902 et 1903 sans oublier que cela n’a point été écrit en 1945 ou aujourd’hui.</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">On relèvera simplement, dans la 2<sup>e</sup> lettre à Drumont (le 26 novembre 1902), l’infléchissement que Maurras souhaite donner à l’antisémitisme de Drumont. Avec des formules abruptes qu’on ne peut plus employer aujourd’hui, il affirme : « Haïr le Juif et le Métèque c’est aimer la France comme il faut l’aimer en un temps où elle est partagée entre le Métèque et le Juif. Quand on nie ce qui nie la France on affirme donc celle-ci. »</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Maurras, pourtant, affirme qu’on ne peut fonder une politique sur la haine. « Je me demande seulement, et surtout, mon cher Maître, je vous demande si notre Offensive antijuive, si la cause de l’indépendance française, si enfin l’heureuse révolution à laquelle nous travaillons ne serait pas singulièrement hâtée et mûrie, le jour où vous complèteriez votre programme critique par un programme affirmatif ; vos doctrines de juste haine, par une doctrine de désir et d’amour. »</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Il faut un programme positif, dit Maurras :</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"><i>Quand nous l’invitons </i>[le peuple] <i>à combattre une tyrannie que ses instincts héréditaires détestent, est-il tout à fait impossible de présenter à sa pensée l’image de quelque organisation nationale qui puisse succéder à la République des Juifs ?<o:p> </o:p> </i></span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">[…] Une image bien définie du pouvoir français à venir contribuerait à remplacer l’idée de la puissance juive. Ce qui est, ce qui peut, ce qui règne a tant de prestige ! Mais ce prestige est composé, en grande partie, de la timidité des masses devant l’inconnu. On ne saurait trop préciser, affermir, dessiner les contours de la Société qu’on souhaite : la troupe humaine a si grand peur de se réveiller sans abri !</span></i><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">L’antisémitisme était l’élément principal du combat de Drumont, il ne sera jamais central dans le combat de Maurras. Ses <i>Lettres à Drumont</i>, en 1902 et 1903, ont marqué même, en un certain sens, la mort de l’antisémitisme comme fondement d’un combat politique en France. L’« Offensive » lancée par Drumont, malgré ses mérites, est insuffisante. Maurras a plaidé pour un « programme positif » : <i>Définissons-nous à nous-mêmes ce qui est désirable, ce qui est utile, ce qui est bon pour la renaissance, la durée et la prospérité de la France.</i></span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Yves Chiron</span></b><br /></div><div class="MsoNormal" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">---------------------</span></b><br /></div><div class="MsoFootnoteText" style="font-family: inherit; line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-align: justify; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 85%;">[1] Charles Maurras, préface inédite aux <i>Lettres à Edouard Drumont</i> (Archives privées).</span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"></div><div style="font-family: inherit;"><span style="font-size: 85%;">[2] Maurras avait préparé une édition, corrigée, de ses six lettres à Drumont, et rédigé une préface. La brochure n’est jamais parue. Nous citons la 4<sup>e</sup> lettre d’après cette édition révisée inédite.</span><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-702457854206224032008-03-24T05:09:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.909-08:00[Maurassiana n°6] Lettre de Charles Maurras au professeur Jean F. David<a href="http://www.blogblog.com/scribe/divider.gif" onblur="try {parent.deselectBloggerImageGracefully();} catch(e) {}"><img alt="" border="0" src="http://www.blogblog.com/scribe/divider.gif" style="cursor: pointer; display: block; margin: 0px auto 10px; text-align: center; width: 320px;" /></a><br /><div style="text-align: justify;"><div style="text-align: justify;"><div style="font-style: italic; text-align: justify;"></div></div></div><div style="text-align: justify;"><span style="font-style: italic;">Document inédit - Maurrassiana - Janvier-mars 2008 - IIIe année – n° 6</span><br /><blockquote>Maurrassiana est publié par l’association Anthinéa qui se consacre exclusivement à l’étude de l’œuvre et de la pensée de Charles Maurras et à l’histoire de l’Action Française. Indépendant de toute organisation politique ou mouvement militant, Maurrassiana publie des textes inédits de Maurras, des études sur son œuvre, des documents historiques et des recensions.<br /></blockquote><span style="font-weight: bold;">Charles Maurras était à l’Hôtel-Dieu de Troyes, dans les derniers mois de sa vie, lorsqu’il reçut une lettre d’un professeur américain de l’Université de Washington, Jean F. David. Le professeur David, déjà titulaire d’une thèse de doctorat soutenue auprès de la John Hopkins University en 1936, préparait une autre thèse qu’il devait soutenir à la Sorbonne en 1962. Son sujet de recherches était « Le procès de l’intelligence dans les lettres françaises dans l’entre-deux guerres ». Il avait interrogé Maurras, comme d’autres écrivains cette époque (Jacques Maritain ou Paul Claudel). Maurras répondit aux questions du professeur américain par une longue lettre de dix pages. Sans doute n’envoya-t-il qu’une copie dactylographiée puisque l’original se trouve à la Bibliothèque Nationale de France. J’avais cité brièvement cette lettre dans ma Vie de Maurras. La voici dans son texte intégral.</span> <br /><div style="font-weight: bold; text-align: justify;">L’importance de cette lettre est évidente : elle porte essentiellement sur l’ « empirisme organisateur », concept maurrassien par excellence, que Maurras n’identifie pas à un pragmatisme et qui ne s’oppose pas aux « Principes ».<br /></div><div style="text-align: right;"><span style="font-weight: bold;">Y.C.</span><br /></div><div style="text-align: center;"><br /></div><div style="text-align: right;">Hôtel-Dieu de Troyes, le 20 août 1951<br /></div><br />Cher Monsieur, votre lettre du 3 Juillet à “Charles Maurras en France” a dû faire quelque détour avant d’arriver, dans les premiers jours d’août, à Clairvaux où j’étais alors détenu. Au moment même où j’allais essayer de satisfaire à vos questions, j’ai été transféré à l’Hôtel-Dieu de Troyes (Aube), sans que rien ne fût changé à mon état de prisonnier. J’ai dû faire face à toutes sortes d’investigations médicales et griffonner bien des billets en réponse à l’inquiétude de mes amis. Certains journaux annonçaient même mon agonie. Il n’en était rien. Vieux petit homme vit encore et se porte même assez bien ! Mais tout cela m’a rendu tardif et même ingrat envers les justes curiosités dont je me sens très honoré. Indépendamment du plaisir qu’elle m’a fait, votre lettre m’a beaucoup intéressé, car elle touche à un point capital sur lequel on a fait beaucoup de confusions.<br /><br />Il ne manque pas d’auteurs de manuels, ni de professeurs patentés de philosophie (j’ai sur eux l’opinion de Schopenhauer) à qui le mot d’empirisme organisateur a fait perdre le sens des choses et qui, tranquillement, rangent au “pragmatisme” le groupe le plus “antipragmatiste” qui ait jamais été.<br /><br />– Non, le coeur ne fait, ni la vérité, ni sa vérité. Non, il ne trouve pas tout seul les faits, leurs rapports, leurs lois de séquence ou de contiguïté. Non, l’on ne pense pas par les pieds, il faut penser avec sa tête.<br /><br />Nous avons toujours professé le règle de l’intelligence. Ma brochure initiale, parue en 1898 et sur laquelle s’accordèrent mes premiers amis, porte en épigraphe la sentence d’Anaxagore : « Toutes choses étaient confuses et l’intelligence est venue les organiser. » Cette devise-drapeau suffit à nous distinguer de tous les pascaliens, bergsoniens, blondéliens, jamistes et néo-criticistes de l’univers. Pour sortir du chaos moral, il faut rétablir l’ordre moral ; à plus forte raison, sans l’intelligence, ne peut-on débrouiller le chaos social. Ni la bonne volonté ne suffit, ni les bons sentiments ; il est un ordre supérieur qu’il faut connaître et observer si l’on veut penser et agir. C’est l’ordre dont parle votre Edgar Poe dans le Colloque entre Monos et Una : « en dépit de la voix haute et salutaire de lois de gradation qui pénètrent si vivement toute chose sur la terre et dans le ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une démocratie universelle ». C’est encore ce que voulait dire Pascal (il n’a jamais si bien dit) quand il écrivait sur un bout de papier : « Commençons donc par bien penser, c’est le principe de la morale », et de la Politique, et de tous les arts de l’action. C’est, je crois, dans mon Avenir de l’intelligence, que vous trouveriez une Invocation à Minerve où l’accent est mis avec force sur le « bien » de ce penser, toute action doit le demander à l’ordre intellectuel. Oui, c’est l’ordre thomiste. Je ne suis pas sûr que ce soit le thomisme de M. Maritain, qui a beaucoup évolué depuis un quart de siècle, et non pas à son avantage. C’est aussi l’ordre d’une quaedam perennis philosophia qui nous vient d’Aristote, de Platon, de Socrate et de leurs devanciers. Pour l’amour de ce magistère de l’intelligence, nous avons contredit un maître qui nous était très cher et très ami, Maurice Barrès, quand il s’écriait : « Quelle petite chose que l’intelligence à la surface de nous-mêmes ». Mais nous n’oubliions pas le mot-clé d’Auguste Comte sur la raison qui doit être « le ministre du cœur et jamais son esclave ».<br /><br />Ce nom de cœur joue chez Comte le même rôle que tient chez nous le mot d’organisateur, ajouté à empirisme. C’est la volonté du Positif, le choix préalable du Bon, la tendance au Meilleur, la visée de buts qui participent au kalokata. Un empirisme qui ne recevrait pas cette impulsion et cette direction de bonne volonté irait n’importe où, ferait n’importe quoi, indifféremment apte au bien et au mal, notamment et très logiquement à la désorganisation. Il signifierait la pire des philosophies et pourrait prétendre à courir les pires passions.<br /><br />Mais, me direz-vous, cher Monsieur, pourquoi, si nous reconnaissions ainsi les Principes, pourquoi cet empirisme plutôt que la déduction pure et simple des Principes une fois posés ?<br /><br />Pour cette raison pratique, mais très forte, que la déduction est une machine délicate, difficile à manier, et ainsi pleine de périls. Un rien la fausse. Un grain de sable la détourne. Le moindre souffle l’égare. Elle a besoin d’être constamment contrôlée et vérifiée. M. Taine ne voulait pas que l’on fît de déduction dans les sciences de la vie. Il exagérait. Auguste Comte a fait beaucoup de déductions très heureuses, grâce à la droiture de son esprit et aux précautions dont son génie audacieux savait s’entourer. Il est des sciences morales, comme le Droit, dont l’anarchisme criard et l’anarchie patente révèlent un emploi inconsidéré de l’instrument déductif, - ce qui ne l’empêche pas de subir, par un légitime retour, les effets de sa maladresse et de son ignorance, quand il lui arrive de vouloir user de l’induction. La philosophie dite des Droits de l’Homme, si peu française et si peu cartésienne, quoi qu’on ait dit, tire ses principaux défauts et ses erreurs les plus volumineuses des impropriétés et des inaptitudes de cet outil dangereux. Au contraire, l’interprétation des faits par l’expérience, l’observation et l’analyse, a des vertus solides et, comme disent les artilleurs, rustiques, qui la défendent des aspérités du chemin. L’analyse de l’Histoire, l’étude du fort et du faible des États, des hauts et des bas des Civilisations, permet de saisir - non certes une loi du mouvement de l’humanité (c’est une chimère connue, la preuve en est faite et bien faite), mais des constantes régulières, des lois certaines, notées de l’extérieur, expliquées par le dedans, qui, pour n’être pas encore organisées en corps de doctrine, n’en possèdent pas moins un pouvoir éclairant, auquel tous les esprits sincères peuvent se rallier, et se rallient en fait : l’empirisme départage l’incertitude ou la querelle des idéalismes plus ou moins correctement déduits des principes : c’est ainsi que des spinozistes, des cartésiens, des marxistes, des labriolistes, des néo-criticistes se sont ralliés aux leçons de l’Histoire, telles que les professait et les pratiquait l’ACTION FRANÇAISE à partir du postulat nationaliste et de la nécessité humaine de la patrie ; car enfin, disait Sainte-Beuve (Nouveaux Lundis, tome I), « la France aussi est un principe », et c’est une synthèse subjective que nous avons le droit de tenter.<br /><br />Exemple de ces analyses : Dans un pays aussi exposé aux invasions que la France (« petit cap » auquel aboutit toute la pression des hordes eur-asiates), il y a eu cent cinquante-six ans (1636-1792) de MONARCHIE TRADITIONNELLE BOURBONIENNE, durant lesquels le territoire n’a jamais été que très faiblement échancré par l’éternel envahisseur ; et les 153 années (1792-1945) qui ont suivi ont été jalonnées d’invasions profondes d’ennemis et d’amis (neuf en tout) et de quatre à cinq entrées de l’Étranger dans Paris, sous le régime de la DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE ou PLÉBISCITAIRE. On peut alléguer que cela n’a pas de rapport. On ne peut le dire longtemps. L’analyse est là pour faire toucher du doigt la liaison des causes et de l’effet. Mais cette analyse empirique ne contredit en rien les principes antidémocratiques posés par les premiers contemporains de la Révolution, tels que Rivarol en 1789, qui jugeaient les nouveautés de l’heure du point de vue de la seule raison. L’expérience les vérifie au contraire, mais aussi les vivifie, les échauffe, leur donne les couleurs de ce qui se voit et se touche. Où les majestueuses déductions de Bonald et de Blanc de Saint-Bonnet se limitaient à faire la juste admiration de quelques lecteurs solitaires, les inductions empiriques de l’ACTION FRANÇAISE ont recruté au parti de l’ordre une armée et un peuple, qui, pour un moment dispersés, sous le poids de l’occupation et de la prétendue libération, sont entrain de se reformer et de se regrouper de la façon la plus spontanée.<br /><br />Voilà, je pense, cher Monsieur, qui me semble répondre à l’essentiel de vos questions. Ajoutez, je vous prie, que, vous me l’avez d’ailleurs fort bien écrit déjà, Léon Daudet, catholique ardent, professait toute la doctrine de Saint Thomas et d’Aristote sur la contemplation et sa primauté nécessaire, après et d’après le vrai Bien. Mais ce qui est premier peut et doit parfaitement vivre sans anéantir le second, et le second peut même passer premier dans l’ordre des temps. S’il est un moyen en vue d’une fin, celle-ci [est] naturellement plus lointaine que celui-là.<br /><br />Une idée me vient avant de vous quitter. Je me demande si vous ne pourriez pas tirer de plus utiles informations (et de plus pertinentes) de mon collaborateur Maurice Pujo, membre de nos Comités directeurs et mon contemporain, bien que mon cadet de quatre ans, Pujo a toujours été très sensible au souvenir de la petite révolution que nous fîmes vers 1900 en réhabilitant l’intelligence et en la réintégrant dans ses droits. Il lui est arrivé de faire à nos étudiants d’importantes leçons tendant à la critique du nominalisme, et cette étiquette médiévale lui servait de titre commun pour la plupart des hérésies modernistes que nous combattions. Je suis sûr que Pujo vous donnerait des vues très claires et très substantielles sur la situation morale et mentale d’alors. Écrivez-lui. Il habite Paris, rue de la Pépinière, 7 ; je suis sûr qu’il se ferait un plaisir de vous renseigner et mes réponses en seraient très avantageusement complétées.<br /><br />Avec tous mes voeux pour votre thèse et vos autres travaux, veuillez, Cher Monsieur, agréer l’expression de mes sentiments les plus distingués et dévoués.<br /><br /><div style="text-align: right;">Ch. Maurras<br />Troyen !<br /></div></div><div style="text-align: right;"><br /></div><span style="font-family: Garamond;"></span>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-19080601598371489392008-02-19T15:24:00.000-08:002009-12-24T10:10:09.838-08:00Frère Roger - 1915/2005 - Editions Perrin<div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Yves Chiron<br /><br /><span style="font-weight: bold;">Frère Roger</span><br /><span style="font-weight: bold;">1915-2005</span><br /><span style="font-weight: bold;">Le fondateur de Taizé</span><br /><span style="font-weight: bold;">(Éditions Perrin, février 2008)</span></span><br /></div><div style="font-family: inherit; text-align: justify;"><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"></span></span><br /><blockquote><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"><span style="font-weight: normal;">415 pages, prix librairie : 21,50 euros</span></span></span><br /><div style="text-align: justify;"><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"><span style="font-weight: normal;">par correspondance: 25 euros (port compris)<br /></span><span style="font-weight: normal;">Paiement à adresser à l’ASSOCIATION NIVOIT<br /></span><span style="font-weight: normal;">5, rue du Berry - 36250 NIHERNE</span></span></span><br /></div></blockquote><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"></span></span><br /></div><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"></span></span><br /><blockquote></blockquote><span style="font-size: 100%;"><span style="font-size: 100%; font-weight: bold;"></span></span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Le nom de Taizé est aujourd’hui universellement connu. Les célèbres Chants de Taizé ont été traduits dans des dizaines de langues. Les « Rassemblements de Taizé », sur la colline bourguignonne, dans une grande ville d’Europe en fin d’année ou ailleurs dans le monde, attirent, à chaque fois, des dizaines de milliers de jeunes de toutes nationalités.<br />Il y a un « mystère Taizé », qui a fasciné les hommes d’Eglise comme les profanes. Mystère de son succès et mystère de son fondateur, figure charismatique.<br />Pourtant, la figure emblématique du fondateur, Frère Roger – Roger Schutz à l’état-civil (1915-2005) – reste, à bien des égards, méconnue.<br />Ce livre, première biographie historique de Frère Roger, voudrait échapper à la légende, non pour en prendre systématiquement le contre-pied, mais pour restituer toute une vie dans son contexte historique.<br />La tâche n’a pas été facile. Taizé n’aime ni l’histoire ni les archives et cultive un certain goût pour le secret ou le discret.<br />Les rencontres de Roger Schutz et de Max Thurian avec Pie XII et d’autres autorités romaines en 1949 et 1950 n’ont été connues du grand public qu’en 1960 [1]. Frère Roger a choisi son successeur, frère Alois, dès 1978, au cours d’un voyage en Afrique, mais il ne l’annonce à sa communauté que vingt ans plus tard. La communion de Frère Roger à l’Eucharistie catholique, qu’il reçoit depuis 1972, n’apparaît au grand jour que lors de la messe des funérailles de Jean-Paul II, en 2005.<br />Et que dire de l’itinéraire religieux de son grand-père maternel : séminariste catholique jusqu’au sous-diaconat, puis prêtre dans l’Eglise vieille-catholique, avant d’être consacré pasteur réformé ? Frère Roger n’en a jamais parlé et, aujourd’hui encore à Taizé, c’est une sorte de tabou à ne pas transgresser.<br />La recherche de Frère Roger, nous avons essayé, ici, de la restituer au plus près. Sans nous arrêter à la « légende », mais aussi avec le souci de ne pas travestir la vérité d’un itinéraire exceptionnel.<br />Outre les volumes du Journal de Frère Roger, où, souvent, il faut savoir lire entre les lignes, d’autres sources permettent de reconstituer les diverses étapes de sa vie. Il y a, d’abord, les témoignages que nous avons pu recueillir auprès de certains membres de sa famille (par exemple, sa fille adoptive, Marie Strugala), auprès de frères ou d’anciens frères de la Communauté et auprès de ceux qui, catholiques, protestants ou orthodoxes, ont été les témoins de sa vie.<br />De nombreuses archives ecclésiastiques, institutionnelles ou privées, attendaient aussi l’historien, en France et en Suisse. Elles se sont avérées très riches, pleines de surprises et de documents précieux pour mieux saisir les décisions et les tentatives.<br />Frère Roger fut un « passeur » de frontières. Suisse, il s’installe en France en 1940. Calviniste, il fonde la première communauté monastique protestante en terre française. Fils de pasteur, pasteur lui-même, il est allé au-delà du protestantisme. « Il est formellement catholique » disait, en 2005, le cardinal Kasper, président du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens, au cardinal Barbarin qui l’interrogeait sur l’appartenance confessionnelle de Frère Roger [2].<br />Il a toujours franchi les murailles pour aider et rassembler. En 1940-1942, il aide des réfugiés politiques et des Juifs ; en 1945-1946, il soulage deux camps de prisonniers de guerre allemands établis près de Taizé ; dans les années 1950-60, il est à la pointe du dialogue œcuménique ; dès 1966, il pressent une vague de contestation radicale dans la jeunesse d’Europe et il saura y voir une soif de questions. Et le reste de sa vie, il mettra en œuvre une pédagogie d’accompagnement de la jeunesse qui sera admirée par beaucoup et critiquée par certains.<br />Frère Roger appartient maintenant à l’histoire de l’Eglise mais aussi à l’histoire de l’Europe. Les Eglises, elles, ont vu en lui un rassembleur qu’elles n’ont pu tenir à l’écart, avec lequel elles ont entretenu un dialogue, parfois rude et difficile. Si Taizé, d’origine protestante, s’est rapproché du catholicisme, il y a eu un mouvement inverse : Taizé a influencé et le protestantisme et l’Eglise catholique.<br /><br />(Extrait de l’introduction)<br />---<br />[1] Le premier article qui évoque ces rencontres paraît dans <i>le Monde</i> le 27 octobre 1960.<br />[2] Lettre du cardinal Barbarin à l’auteur, le 23 février 2007.</span><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-5440578879368566212008-02-15T04:02:00.000-08:002009-12-24T10:10:09.847-08:00Un nouveau livre d'Yves Chiron: Frère Roger de Taizé<div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">le nouveau livre d'Yves Chiron vient de paraitre:</span></i><br /></div><div align="left" style="font-family: inherit;"><b><span style="font-size: 100%;">Frère Roger de Taizé | 1915-2005 | Le fondateur de Taizé</span></b><br /></div><blockquote style="font-family: inherit;"><div align="justify" style="line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"><b>Contenu</b></span><br /></div><div align="justify" style="line-height: 100%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><i><span style="font-size: 100%;">Introduction<br /></span></i><span style="font-size: 100%;">1. Petit-fils de prêtre, fils de pasteur.<br />2. Une conversion.<br />3. Naissance d’une communauté.<br />4. Retour à Taizé.<br />5. Les pas décisifs.<br />6. Entre Genève, Paris et Rome.<br />7. Au concile Vatican II.<br />8. « Sortir de l’impasse ».<br />9. Le concile des jeunes.<br />10. « Un nomade ».<br />11. « Autour du Pasteur universel ».<br />12. Taizé, « une vocation provisoire ».<br /></span><i><span style="font-size: 100%;">Notes<br />Sources<br />Remerciements</span></i><br /></div></blockquote><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Éditions Perrin, parution février 2008. 415 pages, prix librairie : 21,50 euros.</span><br /></div><div align="center" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 85%;">Bon de commande: </span><span style="font-size: 85%;">voir le document PDF</span></b> <br /></div><div style="font-family: inherit;"><span style="font-size: 100%;">Yves Chiron</span> <br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">Frère Roger | 1915-2005 | Le fondateur de Taizé</span></b><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">(Éditions Perrin, février 2008)</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Le nom de Taizé est aujourd’hui universellement connu. Les célèbres <i>Chants de Taizé</i> ont été traduits dans des dizaines de langues. Les « Rassemblements de Taizé », sur la colline bourguignonne, dans une grande ville d’Europe en fin d’année ou ailleurs dans le monde, attirent, à chaque fois, des dizaines de milliers de jeunes de toutes nationalités.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Il y a un « mystère Taizé », qui a fasciné les hommes d’Eglise comme les profanes. Mystère de son succès et mystère de son fondateur, figure charismatique.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Pourtant, la figure emblématique du fondateur, Frère Roger – Roger Schutz à l’état-civil (1915-2005) – reste, à bien des égards, méconnue.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Ce livre, première biographie historique de Frère Roger, voudrait échapper à la légende, non pour en prendre systématiquement le contre-pied, mais pour restituer toute une vie dans son contexte historique.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"> La tâche n’a pas été facile. Taizé n’aime ni l’histoire ni les archives et cultive un certain goût pour le secret ou le discret.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Les rencontres de Roger Schutz et de Max Thurian avec Pie XII et d’autres autorités romaines en 1949 et 1950 n’ont été connues du grand public qu’en 1960<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5388731004090589275#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>. Frère Roger a choisi son successeur, frère Alois, dès 1978, au cours d’un voyage en Afrique, mais il ne l’annonce à sa communauté que vingt ans plus tard. La communion de Frère Roger à l’Eucharistie catholique, qu’il reçoit depuis 1972, n’apparaît au grand jour que lors de la messe des funérailles de Jean-Paul II, en 2005.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Et que dire de l’itinéraire religieux de son grand-père maternel : séminariste catholique jusqu’au sous-diaconat, puis prêtre dans l’Eglise vieille-catholique, avant d’être consacré pasteur réformé ? Frère Roger n’en a jamais parlé et, aujourd’hui encore à Taizé, c’est une sorte de tabou à ne pas transgresser.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">La recherche de Frère Roger, nous avons essayé, ici, de la restituer au plus près. Sans nous arrêter à la « légende », mais aussi avec le souci de ne pas travestir la vérité d’un itinéraire exceptionnel.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Outre les volumes du <i>Journal</i> de Frère Roger, où, souvent, il faut savoir lire entre les lignes, d’autres sources permettent de reconstituer les diverses étapes de sa vie. Il y a, d’abord, les témoignages que nous avons pu recueillir auprès de certains membres de sa famille (par exemple, sa fille adoptive, Marie Strugala), auprès de frères ou d’anciens frères de la Communauté et auprès de ceux qui, catholiques, protestants ou orthodoxes, ont été les témoins de sa vie.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">De nombreuses archives ecclésiastiques, institutionnelles ou privées, attendaient aussi l’historien, en France et en Suisse. Elles se sont avérées très riches, pleines de surprises et de documents précieux pour mieux saisir les décisions et les tentatives.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Frère Roger fut un « passeur » de frontières. Suisse, il s’installe en France en 1940. Calviniste, il fonde la première communauté monastique protestante en terre française. Fils de pasteur, pasteur lui-même, il est allé au-delà du protestantisme. « Il est formellement catholique » disait, en 2005, le cardinal Kasper, président du Conseil pontifical pour l’Unité des chrétiens, au cardinal Barbarin qui l’interrogeait sur l’appartenance confessionnelle de Frère Roger<a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5388731004090589275#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Il a toujours franchi les murailles pour aider et rassembler. En 1940-1942, il aide des réfugiés politiques et des Juifs ; en 1945-1946, il soulage deux camps de prisonniers de guerre allemands établis près de Taizé ; dans les années 1950-60, il est à la pointe du dialogue œcuménique ; dès 1966, il pressent une vague de contestation radicale dans la jeunesse d’Europe et il saura y voir une soif de questions. Et le reste de sa vie, il mettra en œuvre une pédagogie d’accompagnement de la jeunesse qui sera admirée par beaucoup et critiquée par certains.</span><br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;">Frère Roger appartient maintenant à l’histoire de l’Eglise mais aussi à l’histoire de l’Europe. Les Eglises, elles, ont vu en lui un rassembleur qu’elles n’ont pu tenir à l’écart, avec lequel elles ont entretenu un dialogue, parfois rude et difficile. Si Taizé, d’origine protestante, s’est rapproché du catholicisme, il y a eu un mouvement inverse : Taizé a influencé et le protestantisme et l’Eglise catholique.</span><br /></div><div align="right" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><b><span style="font-size: 100%;">(Extrait de l’introduction)</span></b><br /></div><div style="font-family: inherit;">-----<span style="text-decoration: underline;"><br /></span><span style="font-size: 100%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5388731004090589275#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Le premier article qui évoque ces rencontres paraît dans <i>le Monde</i> le 27 octobre 1960.</span> <br /></div><div align="justify" style="font-family: inherit; line-height: 150%; margin: 5px 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="font-size: 100%;"><a href="http://www.blogger.com/post-edit.g?blogID=341861972631819054&postID=5388731004090589275#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> Lettre du cardinal Barbarin à l’auteur, le 23 février 2007.</span><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-69048317197444395012007-10-15T14:35:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.888-08:00[Maurrassiana n°5] Défense de l’Occident et le monde postmoderne - par Thierry Giaccardi<div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Maurrassiana - </b><b>Octobre-décembre 2007 - 2<sup>ème</sup> année – n°5</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Défense de l’Occident et le monde postmoderne - par Thierry Giaccardi</b><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i><span style="font-style: normal; font-weight: normal;">À Cristina Solé Castells</span></i><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>Ces jours qui te semblent vides<br />Et perdus dans l’univers<br />Ont des racines avides<br />Qui travaillent les déserts.<br /> </i><b> Paul Valéry</b><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>À plus forte raison, quand ce qu’il faut combattre<br />est quelque mal intérieur, quand l’adversaire est<br />un concitoyen, faut-il conduire chaque coup de<br />manière à ne pas ruiner la vie de l’ensemble !<br /> </i><b> Charles Maurras</b><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Quatre-vingtième anniversaire de la parution de Défense de l’Occident</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Nous nous apprêtons à célébrer à juste titre le quatre-vingtième anniversaire de la publication à la librairie Plon de <i>Défense de l'Occident</i> d’Henri Massis. L'ouvrage commençait par cette célèbre phrase : « le destin de la civilisation d'Occident, le destin de l'homme tout court, sont aujourd'hui menacés ». On peut sans doute trouver aujourd’hui ce genre de déclarations péremptoires, tant du point de vue de la forme que de celui du fond. Néanmoins <i><span style="font-style: normal;">l’ouvrage</span></i> eut un retentissement certain durant les années de l'entre-deux-guerres, et il serait regrettable que nous ne lui accordions pas l'attention qu'il mérite en ce début de siècle.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Certains hommes sont davantage sensibles que d’autres aux changements qu'ils perçoivent comme des bouleversements. Ils sentent bien que le tissu social peut être facilement déchiré et, pour finir, qu’il peut se défaire complètement. D'autres y trouvent un motif de jubilation : l'attrait du nouveau excite les sens. Ce sont les tenants de la tradition du nouveau, <i>oxymoron</i> traduisant assez bien le rapport qu’ils veulent établir entre l’homme et la réalité extérieure, fait de fulgurances mais aussi de contradictions intenables. Dans le climat d'idées actuel les premiers ne sont guère pris au sérieux, à moins qu'ils ne soient des hommes de science. Les seconds ont acquis dès la seconde moitié du XXe siècle une prépondérance qu'il serait difficile de leur disputer. Or, il n'y a pas que le tissu social qui suscite des inquiétudes aujourd’hui : notre écosystème est menacé. C'est une opinion fort répandue et que personne ne songe vraiment à contester. Menacé l’environnement auquel l’homme ne peut pourtant pas échapper ? Massis affirme en 1927 que « le destin de l'homme tout court » est menacé : serait-il dans le vrai ? Il rappelle incidemment dans son essai que « le point de départ commun de toutes les réflexions sur un tel sujet » est l'ouvrage de Paul Valéry, aujourd'hui injustement méconnu, <i>La Crise de l'Esprit</i>. Mais de quelles réflexions s’agit-il ? Non pas de celles se nourrissant de « cette terreur de l'avenir, qui ne trahissent que les désordres de cerveaux anxieux et défaits par avance » et que Massis rejette dès les premières pages. Car il voit bien qu'à « prophétiser », c'est le verbe qu'il utilise, un avenir désastreux on sape la confiance au point « de favoriser l'abandon ». Massis explicite son propos : il s'agit de défendre l'Occident, c'est-à-dire l'Europe. Point capital sur lequel nous allons revenir : pour la tradition à laquelle il se rattache, l’Occident c’est l’Europe, dont Valéry se demandait si elle deviendrait « ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ».<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>L’Occident face aux menaces : la nécessité d’un cadre de pensée.</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoBodyTextIndent2" style="line-height: 150%;">Pour la majorité des individus au XXIe siècle, l’Occident a trois composantes majeures : l’Europe, l’Amérique du nord et l’Amérique latine. C’est, par exemple, le point de vue de Samuel Huntington qui rappelle que « la clé de la réussite européenne pour créer le premier vrai empire global entre 1500 et 1750 fut le progrès dans la possibilité de répandre la guerre qu’on a appelée la révolution militaire ». Mais, pour d’autres, l’Occident serait constitué d’au moins deux composantes majeures antagonistes : c’est le point de vue d’Alain de Benoist qui parle d’une « vieille tendance de fond », à laquelle nous ne croyons pas, et qui précise que « dès leurs origines, en effet, les Etats-Unis ont eu un compte à régler avec l’Europe ». Ce qui est à la fois vrai puisque l’Amérique a cherché à s’émanciper de la tutelle de la couronne d’Angleterre, et faux puisqu’elle s’est toujours considérée jusqu’à récemment comme une excroissance de l’Europe.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Massis s’intéresse à tous les dangers qui pourraient affaiblir l’Europe. Il affirme avec une certaine solennité : « nous ne méconnaissons pas pour autant les menaces mortelles qui pèsent sur l'Europe ». Or, selon lui, les hommes d'esprit sont mieux préparés que les gouvernants. Ces derniers semblent ne prendre conscience des menaces qu'après que celles-ci sont devenues des dangers imminents. D’où ce jugement : « les gouvernants eux-mêmes, si dénués d'imagination qu'on les suppose, si enclins qu'ils soient à méconnaître les réalités spirituelles, à ne pas tenir compte de ces crises de sentiments et d'idées qui s'élaborent au plus intime des âmes où les grands changements historiques se préparent et s'annoncent, les gouvernants semblent soudain s'apercevoir du danger ». En revanche, les hommes d'esprit qui se livrent aux méditations et qui connaissent les « réalités spirituelles » seraient les mieux préparés : c'est une affirmation radicale. Comment Massis définit-il ces hommes d'esprit ? Comme des « observateurs, attentifs aux accords des idées et des faits, [qui] ont pu justement tirer [ces prévisions trop précises] de l'expérience, de la nature des choses et des analogies de l'histoire ». De tout cela, nous pouvons nous-mêmes tirer plusieurs idées directrices.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">La première, c'est l'opposition nette entre le gouvernant et l'homme d'esprit, opposition classique de type weberien dont Alain de Benoist perpétue la tradition, et qui n'est pas dénuée de risques, par exemple celui d'être ignoré. L'homme d'esprit qu'on prendra soin de distinguer toutefois de l'intellectuel s'en rapproche par sa volonté de se distancer de l'exercice du pouvoir. La deuxième, c'est que l'homme d'esprit médite, c'est un aspect important. Qu'est-ce, en effet, qu'un homme qui médite c’est-à-dire qui se livre à « la science subtile des multiples possibles de l’homme » ? Dans le tumulte des guerres de ce début du XXIe siècle mais aussi dans le contexte de la globalisation, -laquelle se définit avant tout par le rôle grandissant et opprimant que joue le capitalisme financier soucieux du profit à court terme-, on doit en effet se poser la question : l'homme, pris en étau entre l'arme et la marchandise, peut-il songer à méditer ? Or, Massis insiste bien sur ce point apparemment paradoxal : celui qui voit les choses telles qu'elles sont c'est l'homme retranché des vicissitudes grossières. Enfin, le point de vue massisien, en accord avec la plupart des grands esprits de son temps, pose trois prémisses ayant trait à la valeur de l'expérience, à la nature des choses, et, enfin, aux analogies de l'histoire. Il entend ainsi soumettre l'intelligence humaine à un cadre de pensée fondamental à l'intérieur duquel l'homme peut profiter de son expérience et la transmettre aux plus jeunes générations, a). Or, b), cette expérience ne peut se mener à bien que parce qu'il existe une nature des choses, une réalité dure, indépendamment de l’observateur. Ce qui veut dire que l'interprétation ne crée pas le fait, contrairement à ce qu'affirme Foucault et tous les maîtres du soupçon avant lui. Enfin, c), l'homme peut tirer de l'histoire des analogies qui lui seront utiles dans la conduite de ses affaires, ce qui replace la science de l'histoire au centre de ses réflexions. Ce mot d'analogie, du reste, mériterait à lui seul une ample littérature car c’est un mode de pensée permettant de distinguer, sous la profusion des formes, des rapports, ressemblances, différences, que l’homme peut pleinement saisir à partir de modèles préexistants dont il se sert. Ce mode et ces modèles si essentiels ont été battus en brèche par la pensée postmoderne qui n’y voit que des récits plus ou moins enfantins.<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>La postmodernité comme critique radicale de l’Occident prend sa source dans le bolchevisme.</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Il est assez facile de constater, en effet, que ce cadre de pensée a été rejeté, en particulier par les sciences sociales. Il faudrait alors se demander s'il a disparu parce qu'il s'est révélé désuet, naïf, pour le postmoderne, mais, dans ce cas, il faudra que ce dernier nous explique en quoi l'expérience n'aurait pas de valeur, les choses n'auraient pas de nature et l'histoire n'offrirait pas d'analogies. Ou si, plus sordidement, il a été remplacé par un ou plusieurs systèmes d’idées à la suite de luttes inéquitables ou de guerres qui ont épuisé les peuples européens, voire anéanti leurs hommes d'esprit (Péguy mort au champ de bataille mais aussi le carcan intellectuel se mettant peu à peu en place dans la France de l’après-guerre). Massis semble accorder une place privilégiée au bolchevisme comme point d’origine de ce mouvement suicidaire pour l’esprit européen et dont le point final est cette culture de la pénitence. Pour lui, c'est le bolchevisme qui a dressé les peuples d'Asie et d'Afrique “contre la civilisation d'Occident”. C'est historiquement vrai, mais on doit ajouter qu'il a aussi contribué à dresser une multitude d'Européens contre leur propre civilisation, (un grand nombre sont même allés jusqu'à trahir les intérêts nationaux sans sourciller). Il est bien difficile, pour nous qui vivons dans cette période inaugurée par la chute du mur de Berlin, de mesurer à quel point le bolchevisme exerça une fascination mortifère sur des millions d'hommes à un moment crucial du progrès humain et bouleversa le cours de l'histoire européenne (mais aussi russe et chinoise). Il est tentant, et sans doute exact pour une grande part, d'expliquer l'état actuel de la crise de conscience européenne par le rôle que joua le communisme, bien plus destructeur que le nazisme dans la mesure où il affecta un plus grand nombre de nations sur une plus longue durée. Les deux idéologies ont du reste comme point commun, voire comme matrice, l'univers concentrationnaire.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">L'Europe d'aujourd'hui ne pourra pas se comprendre sans une réflexion approfondie sur le communisme à l’instar de celle qu’elle a menée sur le nazisme. Il est vrai que cette réflexion a déjà été inaugurée par de grands penseurs (on pense à Nolte et à Alain de Benoist, mais aussi au <i>Livre noir sur le communisme</i>). Mais elle peine toujours à prendre l'ampleur que la nature et l’échelle de cette entreprise meurtrière exigent. Notre société est en effet réticente à l'idée de poursuivre une réflexion sur une idéologie s'appuyant bruyamment sur le principe d'égalité, (même si elle justifia les pires exactions dont les peuples furent en premier lieu les victimes).<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>L’esprit humain et la corruption du monde.</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Mais c'est sans doute sur le rôle de l'esprit et son opposition à la matière que Massis, à la suite d'un Maurras, se montre d'une étonnante perspicacité, et il faut bien le dire, assez radical. Massis note que « c’est à l'heure même où les progrès de la technique se flattaient de réaliser l'unité du genre humain que se produit la plus complète rupture d'équilibre qu'on ait jamais connue. » Et surtout cette observation qui nous semble toujours aussi actuelle : « la facilité des communications matérielles qui devait, selon l'idéologie démocratique, réaliser l'union des âmes, a bien pu <i>uniformiser</i> le monde, elle ne l'a pas <i>uni</i> : car “la matière est essentiellement diviseuse et les hommes ne communiquent que dans l'immatériel“ ». Massis aurait-il, davantage que d'autres, aperçu le destin tragique d'une Europe livrée aux caprices de la société de consommation, gouvernée par des financiers et des marchands n’ayant que mépris pour les nations et l'univers subtil de leurs traditions ? Écoutons ce qu’il affirme en 1927 à la lumière de l'unification et de l'expansion européennes d'aujourd'hui : « Ce qu'il y a au bout de cette stupide avidité de puissance matérielle qui a détourné l'Occident de sa véritable mission, nous le voyons. “Cerveau d'un vaste corps“, dont elle ne commande plus les mouvements, l'Europe est dans un état contre-nature, où elle ne saurait rester. » Image saisissante dont on voit bien la pertinence aujourd'hui en 2007. Ce thème de la gloutonnerie, c’est-à-dire d’un dérèglement des sens, mais aussi d'un géant frappé de stupidité, amorphe, ne peuvent pas nous laisser indifférents, nous qui sommes confrontés à un élargissement vertigineux de l’Union européenne selon une logique bureaucratique et mercantile proprement effrayante. Alain de Benoist l’exprime encore de cette façon :<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>L’alternative devant laquelle on se trouve est en fait toujours la même : soit l’Europe, donnant la priorité à la libéralisation, épouse la dynamique d’un grand marché visant à s’élargir le plus possible, et en ce cas l’influence américaine y deviendra prépondérante, soit elle s’appuie sur une logique d’approfondissement de ses structures d’intégration politique, dans une perspective essentiellement continentale et avec l’intention de balancer le poids des Etats-Unis. En ce cas, elle peut espérer devenir à la fois une puissance, un pôle régulateur de la mondialisation et un projet de civilisation.</i><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Mais cette manière d’appréhender les choses se comprend encore mieux si on prend conscience de toute l'importance du rôle de l'esprit chez Massis. Il remarque ainsi que les différentes nationalités entendent asservir « l'essence même de l'esprit ». Or, celui-ci a « sa finalité propre » qu'il nous importe d'affirmer quelle que soit la situation ou l’air du temps. On rappellera cette phrase de saint Paul qui résume parfaitement la question : « la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair ». C'est bien en effet aux « forces de l'esprit » que Massis s'adresse en intitulant son ouvrage <i>Défense de l'Occident</i>, et non à un nationalisme grossier, chauvin. Toutefois, il prend soin d’en limiter la portée à « l'héritage latin », ce qui ne manque pas de soulever certains problèmes et nous paraît quelque peu décevant aujourd’hui. C'est sans doute une limite incompréhensible pour nous, mais qu'il faut pourtant essayer de comprendre dans le contexte de l’époque de Massis, élève de Barrès et surtout de Maurras, tous deux notoirement méfiants envers tout ce qui avait trait à la culture allemande par exemple. Et, plus encore dans le contexte de deux guerres : la guerre franco-prussienne et la Grande Guerre. D'où sans doute une lecture hâtive d'Oswald Spengler et la volonté d'opposer « l'idée rationnelle de l'homme », que l'on trouverait chez les Latins, « aux forces instinctives de sa nature », que l'on trouverait chez les Germains, et, plus à l’Est, chez les Orientaux. Manifestement, Massis a mal lu Barrès si attentif « aux puissances du sentiment » et n’a guère voulu comprendre Spengler, lequel affirme pourtant dans son introduction au <i>Déclin de l’Occident</i> « que l’existence d’Athènes, Florence, Paris importe davantage que Lo-Yang et de Pataliputra à la culture d’Occident, on le comprend aisément »[1]. Plus encore, Massis reprend l'idée chez Curtius, qu'il connaît bien, d'un « stabilisme de notre conception du monde » antagoniste « d'une théorie de la civilisation "dynamique", où [l]'individualisme originel s'identifie au rythme même du cosmos, par une sorte de "communion organique" ».<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">On trouve ici un débat intellectuel tout à fait actuel, qui, repris parfois avec une terminologie quelque peu différente, a donné lieu à toute une littérature d’idées non seulement en France et dans certains pays européens, en particulier en Italie et en Espagne, mais aussi aux Etats-Unis. De ce point de vue, on peut affirmer que l'école d'Huntington mais aussi celle de Fukuyama, sont les dignes héritières de l'école française (dont Massis est un des représentants les plus connus). Et il ne serait pas si absurde que cela de les rassembler toutes sous le terme d’ « école néo-thomiste »[2], si on veut bien se rappeler que Massis envisage cette manière de penser en la définissant par le primat de la rationalité (afin de comprendre la manifestation divine) et du rôle que joue la culture, donc d'un certain « intellectualisme ». Après tout, Huntington n’affirme-t-il pas qu’il accorde une place déterminante au fait que « les identités culturelles qui, à un niveau grossier, sont des identités de civilisation, déterminent les structures de cohésion, de désintégration et de conflits dans le monde » ? En revanche, tout le courant qu'on peut peut-être faire remonter à l’Allemand Novalis, et déjà parce qu'il est le contemporain de la Révolution française, et qu’il écrivait que « partout se déploie une vaste intuition du libre-arbitre créateur, de l'illimité, de la magnificence infinie, du caractère sacré et de l'omnipotence de l'humanité intérieure », tout ce courant Massis le rejette au nom d'une incompatibilité rédhibitoire. Tresmontant aurait pu dire qu’il « verse dans une conception magique et fétichiste de la matière, en lui prêtant toutes les “propriétés” nécessaires pour produire la vie et la conscience »[3]. Pourtant, ce courant existe toujours en France et il est un des rares, avec le christianisme mais aussi avec l’altermondialisme, à s’opposer à l’uniformisation de la planète que dénonçait à juste titre Massis en son temps. Il nous semble que son représentant le plus brillant en est Alain de Benoist, toujours soucieux de « reconnaissance de l’unité et de la poéticité du monde » et qui a affirmé souscrire à la phrase de Malraux : « la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu’ait connue l’humanité, va être d’y réintégrer les dieux »[4].<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Courants européens : vers une réconciliation tardive en ce début de XXIe siècle ?</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Se pose dès lors pour nous la question de savoir si ces deux courants sont nécessairement incompatibles car ils cherchent tous deux à sauvegarder la civilisation européenne<a href="http://maurrassianna.free.fr/maurrassianna/maurrassianna.005.20071226.htm#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>.Après tout, si on veut bien s’arrêter sur l’exemple du journal <i>Europe-Action</i> à laquelle participèrent Venner et de Benoist, – journal qui joua un rôle important dans la formulation de certaines idées, en particulier de celles de la Nouvelle Droite –, on se rappellera qu’ <i>Europe-Action</i> donna naissance à un mouvement politique et qu’Henri Massis se retrouva dans son comité de soutien (avec Rougier et Monnerot). Malgré tout, pour Massis, la réponse semble aller de soi : ces deux courants sont irréductibles l'un à l'autre. Or, c'est la sensibilité de Massis qui s'est imposée en France : la tradition catholique avait puissamment préparé le terrain intellectuel mais c’est surtout le génie de Maurras qui a tranché. Le classicisme a exclu le romantisme en France. En Allemagne, il aurait pu en aller autrement, mais la folie du nazisme a mis un terme à une expérience originale qui aurait pu changer radicalement l'approche des traditions européennes et de la présence de l’homme dans le monde (et dont Heidegger personnifie bien le génie). C’est en Italie que l’expérience a pu être menée à bien, sous certains aspects du moins, durant le <i>ventennio</i>, et ce, malgré les tentatives grotesques tardives de transformer le mouvement fasciste en un univers totalitaire. Il faut en effet rappeler que dans la <i>Doctrine du fascisme</i>, Mussolini entendait affirmer une « conception spiritualiste issue de la réaction générale du siècle contre le positivisme faible et matérialiste du XIXe siècle ». Or il est difficile de faire plus catholique que l’Italie du début du XXe siècle. On voit bien ici le rôle qu’a pu jouer le « grand homme » dans l’évolution des idées et des mouvements politiques. Maurras en bon Français tient, lui, à la distinction entre pouvoir intellectuel et pouvoir politique. En Italie, Mussolini cherche à unir les deux, avec l’aide discrète de Gentile.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Il n'est donc pas vraiment étonnant que Massis s'en soit pris autant à Keyserling, par exemple, et à son Ecole de Sagesse. Ce qui est pour le coup étonnant c'est que Massis méconnaisse qu'une telle école ait été, sinon aussi vigoureuse, du moins assez active en France. Elle s’est épanouie avec tout le courant spiritualiste français. Barrès, encore une fois, nous semble ici résumer assez bien la situation (et peut-être aussi l'aveuglement français sur l'attrait qu'exerça l'Orient dans les pays latins). Son ami Stanislas de Guaïta aurait dû pourtant le lui faire admettre. L’Orient a souvent occupé les esprits dans l’Europe latine et a exercé une profonde fascination, du moins jusqu’au milieu du XIXe siècle. L’étonnant eût été le contraire, dans un pays où le catholicisme fut la religion officielle pendant de si nombreux siècles et reste la première religion du pays<a href="http://maurrassianna.free.fr/maurrassianna/maurrassianna.005.20071226.htm#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>.<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Pourquoi lire aujourd’hui <i>Défense de l’Occident </i>?</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Ce qui ne manque pas de surprendre, dans ces conditions, c'est le caractère érudit de l'ouvrage de Massis et sa connaissance poussée de la littérature d'idées allemande témoignant, comme c’est souvent le cas, d’une fascination ambiguë. Alors comment expliquer le silence gêné accueillant aujourd’hui <i>Défense</i> <i>de l’Occident</i> ? Nous l’avons déjà suggéré, c’est sa conception toute latine, romaine pourrait-on dire, de l'esprit, et ses préjugés pour tout ce qui s'en éloigne, à commencer par la tradition luthérienne (Massis a écrit un livre fort révélateur s’intitulant <i>Luther prophète du germanisme</i>). Elle peut se comprendre par certains côtés, très peu il faut bien le dire, car la tradition latine fut elle-même vivement critiquée en Allemagne. Massis cite cette phrase d'Herder ayant valeur d'exemple : « les Latins ont apporté au monde une nuit dévastatrice ». On a en effet oublié la frénésie avec laquelle certains intellectuels européens, jusqu'au XXe siècle, s'en sont pris à la « romanité » dont tout le monde voyait bien qu'elle avait atteint « son maximum d'intensité et de puissance dans la pensée française »<a href="http://maurrassianna.free.fr/maurrassianna/maurrassianna.005.20071226.htm#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>.<br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Le dialogue vigoureux qui eut lieu au lendemain de la Grande Guerre entre les lettrés français et allemands et que suivit attentivement Massis, est pour le coup assez exemplaire. Il mériterait aujourd’hui encore des études approfondies, en particulier sur la place qu’entendaient accorder certains Allemands à l’Orient et son refus assez net chez les Français, hormis quelques exceptions notables, par exemple Romain Rolland et l’école guénonienne. C’est ainsi que Massis se plaît à citer, malheureusement en l’approuvant, cette phrase affligeante de Jacques Rivière : « il n’y a que nous (les Français) dans le monde, je le dis froidement, qui sachions encore penser ». Le mérite d’en revenir à ce dialogue, pour nous Français qui accordons une place de choix et sans doute illusoire dans les relations qu’entretiennent la France et l’Allemagne au sein de l’Union européenne, c’est de replacer les choses dans une juste perspective. L’aversion chez nous pour la culture latine (les humanités) ne datent pas de Mai 68. Curtius affirme en effet que « la jeune Allemagne regarde vers l’Est et tourne le dos à l’Occident », entendons par là la culture gréco-latine. Or, la pensée allemande exerça une grande influence sur la France du XIXe siècle et surtout de l’après-guerre. De fil en aiguille, on peut retrouver sans doute plusieurs causes principales à un même phénomène de rejet (Marx, Freud, l’école de Francfort).<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Les pages qui suivent sur la Russie sont tout aussi remarquables et tout aussi visionnaires. Visionnaire, le mot est lâché. Massis entrevoit l’avenir de l’Europe et ce dernier n’est guère réjouissant car les Européens ont abandonné l’esprit. Il faut bien insister sur ce point. Massis défend le primat de l’esprit sur la matière, on dirait aujourd’hui sur la marchandise et la technique. Mais il se fait aussi l’apologiste de la forme pure : c’est ici sans doute qu’on peut entrevoir la différence fondamentale entre les deux écoles dont nous parlions plus haut. Il ne faut pas se laisser tromper par la langue de l’essai. Les intuitions, voire les fulgurances, n’en reposent pas moins sur une grande connaissance des affaires de ce monde. Ainsi Massis résume assez bien notre relation avec la Russie en percevant deux mouvements contraires. Tantôt la Russie se voit « comme l’avant-garde de l’Europe en Asie » et tantôt « comme l’avant-garde de l’Asie en Europe ». Tout est dit, limpidement. Pour ceux qui s’intéressent aux relations entre l’Europe, la Russie et l’Asie, on relira les propos du prince Troubetzkoi que cite Massis : « Ne nous regardez pas comme les fils de l’Europe, dépourvue de talents ... Elle n’est pas notre mère ... Notre voie tout indiquée se dirige vers l’Orient ... La Russie a péché d’avoir méconnu son orientalisme et de s’être laissée leurrer par des illusions occidentales. » On pourrait suspecter Massis de nourrir une antipathie encore plus grande à l’égard de la Russie, mais il suffit de lire les pages qu’il a écrites sur la solitude dont eut à souffrir le peuple russe pour comprendre qu’il n’en est rien. Certes, il ne s’agit que d’une vue sur un grand peuple, mais à relire ces pages on saisit d’un coup tout un mode de pensée que nous avons perdu et qui a pourtant ses vertus. C’est, il nous semble, dans l’affirmation suivante qu’il apparaît clairement. Après avoir épilogué sur la solitude russe, Massis affirme : « aussi l’intelligence russe ne trouva-t-elle nulle part ce patrimoine d’idées héréditaires, de notions acquises, qui relient le présent au passé, assurent à l’esprit son aisance et son jeu. » Les pages les plus nombreuses de l’ouvrage, sans doute aussi les plus inspirantes mais pas nécessairement les moins discutables, sont celles qui traitent de la religion orthodoxe justement. Il y a là une cohérence impeccable chez Massis qui a en point de mire l’esprit, toujours. « Qui veut comprendre l’étrange destinée du peuple russe doit interroger son histoire religieuse » affirme-t-il.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">S’il y a cohérence, il n’est pas certain que ces réflexions sur la religion retiendront l’attention du lecteur postmoderne qui a appris à se méfier de la religion. C’est pourtant là où éclate le talent de Massis, même si on est libre de ne pas le suivre dans ses conclusions, sans doute un peu hâtives, sur la religion orthodoxe, dont il veut démontrer curieusement qu’elle entretiendrait des liens coupables avec les églises protestantes. Comme si ces dernières étaient en soi coupables de grands crimes et pouvaient ainsi jeter un discrédit sur tout ce qu’elles touchaient. Mais il est vrai que Massis écrit avant les rencontres d’Assise, dont on a fêté l’année dernière le vingtième anniversaire. Or <i>l’esprit d’Assise</i> comme on dit, n’est-ce pas justement de proclamer la nécessité du dialogue tout en affirmant son identité ?<a href="http://maurrassianna.free.fr/maurrassianna/maurrassianna.005.20071226.htm#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a> On rappellera pour mémoire ces phrases profondes du pape Jean Paul II qui précèdent le décalogue d’Assise pour la paix :<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>Je souhaite que l'esprit et l'engagement d'Assise conduisent tous les hommes de bonne volonté à la recherche de la vérité, de la justice, de la liberté, de l'amour, afin que toute personne humaine puisse jouir de ses droits inaliénables, et chaque peuple, de la paix.</i><br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Nous trouvons donc ici les deux adversaires les plus dangereux de l’Europe d’après Massis : le germanisme et le slavisme. Pour l’auteur de la <i>Défense de l’Occident</i>, l’Extrême-Orient ne représente pas vraiment un danger imminent. C’est que l’Orient à son époque est toujours sous le joug des grandes puissances européennes. Même si ce qu’il en dit mérite toujours d’être relu et discuté, on voit bien que pour lui c’est encore l’informe, voire le chaos. Comme tel, il a certainement un pouvoir de destruction mais pas de contamination. L’Extrême-Orient fourmille trop de vies humaines, de traditions, de passions, pour être pris vraiment au sérieux. D’où la phrase de Chesterton que Massis cite et qui a bien valeur d’exemple : « il y a en Asie un grand démon qui essaie de tout fondre dans le même creuset et qui représente tout baignant dans une immense mare ». Massis apparaît dans toutes ces pages comme l’anti-Guénon, et même s’il ne le cite pas, on sent son ombre sur les commentaires acerbes de Massis, pourfendeur du « masque oriental ».<br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;"><b>Élégie européenne</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">On pourra alors se demander quelles conclusions on peut tirer de vues parfois si partiales qu’elles pourraient en devenir indigestes. C’est qu’en parlant de l’Orient, Massis parle merveilleusement, comme son maître Maurras, de l’Occident. Ce qu’il cherche c’est à lui donner une forme afin de faire cesser ce constat sur lequel nous devons nous-mêmes réfléchir : le constat « qu’il n’y a plus de hiérarchie dans l’homme, que l’instinct partout dispute à l’intelligence sa primauté, et qu’à l’exemple de l’individu moderne l’Europe d’aujourd’hui est livrée à l’anarchie de ses tendances multiformes et rivales si l’on s’obstine de parti pris à fermer les yeux sur l’origine de tels méfaits ». C’est donc le souci de la forme qui anime tout ce courant, d’une forme plutôt : la forme classique. Elle est, à notre avis, indispensable à l’Occident, et à la base de la seule critique possible des méfaits du monde postmoderne, lequel a cherché à imposer d’une manière ambiguë la notion de simulacre. Et même si elle n’est pas la seule, elle nous semble, comme à l’époque de Massis, la plus importante pour préserver l’esprit européen ou occidental. Maurras ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit en approfondissant la question :<br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;"><i>Toutes les traditions ne se valent pas.</i><br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;"><i>Comme entre les peuples et les époques qu’elles expriment, comme entre les hommes de ces temps et de ces nations, on peut marquer entre elles des différences et, par suite, des primautés dont nul autre que la nature n’est coupable, à moins que l’on n’en charge, comme il est possible, l’histoire ou la politique. La critique n’a pas pour mission de redresser les injustices de la fortune, mais d’en apprécier les effets.</i><br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Nous préférons quant à nous, qui appartenons à une autre génération, « esprit occidental ». Et contrairement à Massis et à d’autres, nous reprenons volontiers la définition qu’en donne Huntington, citée plus haut. Notre acquiescement n’est nullement l’expression d’un asservissement mais, au contraire, la volonté d’embrasser la réalité d’un monde ayant changé d’épicentre, non nécessairement d’esprit. Mais c’est surtout une autre définition d’Huntington qui nous interpelle. Le professeur d’Harvard rappelle que le terme d’Occident « est universellement utilisé pour désigner ce qu’on appelait jadis la chrétienté occidentale ». Nous ne pensons pas que Massis se fût formalisé d’une telle définition. Pour notre part, elle nous convient assez et elle mérite en effet d’être défendue. On l’aura sans doute compris, <i>Défense de l’Occident</i> devrait être lu et commenté avec passion en ce début de siècle. Souhaitons que notre modeste contribution servira à une nouvelle réception du texte et à en dégager l’esprit pour notre temps. Car c’est par l’esprit que tous les courants européens et américains (du nord comme du sud) se retrouveront afin de faire fructifier notre civilisation. Et c’est l’esprit seul qui nous permet de cheminer avec espoir dans ce labyrinthe qu’est le monde terrestre (et dont une des plus belles représentations se trouve dans la cathédrale de Chartres).<br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;">Le labyrinthe justement dont Alain de Benoist dit qu’il symbolise un « enchevêtrement de méandres », qu’il oppose aux « hiérarchies univoques » et qui est le « modèle d’une démarche tournoyante qui n’atteint son but qu’après de longs détours. »<br /></div><div align="justify" class="MsoBodyText" style="line-height: 150%;"><b>Thierry Giaccardi</b><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>Ce texte est paru sur le site du </i>Cercle Jeune France<i> à l’été 2007.</i><br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Contribution au tombeau de Pierre Pujo - par Jean Madiran</b><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Le plus grand mérite de Pierre Pujo journaliste restera sans doute d'avoir fait reparaître dans la presse le nom glorieux de <i>L’Action française</i>. Il y a été un éditorialiste prudent, toujours estimable et souvent pertinent ; inégal bien sûr au grand quotidien de Charles Maurras, Léon Daudet et Jacques Bainville, mais nullement indigne de sa mémoire.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Son initiative peut-être la plus discutée avait été en 2002, à l'élection présidentielle, de soutenir la candidature de Chevènement, patriote mais jacobin. Il y avait pourtant, dans l'histoire de l'Action française, un fameux président : Léon Daudet avait en 1920 soutenu la candidature, que combattait Maurras, de Clemenceau, patriote mais jacobin. L'un et l'autre affichant un même scepticisme critique à l'égard de l'élection du chef de l'Etat.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Cinquante-cinq ans après la mort de Charles Maurras, il existe toujours une école maurrassienne. Et même deux.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">D'une part, une école maurrassienne au sens large : tous les esprits auxquels Maurras « a donné, disait-il, de la vie et du mouvement », et qu'il a métaphoriquement invités à venir après sa mort converser et rêver à l'ombre fière des cyprès de son Jardin qui s'est souvenu.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Et d'autre part, une école maurrassienne au sens strict, héritière légitime de l'Action française : Pierre Pujo en a été l'animateur et l'administrateur, en cela il a été, comme il voulait l'être, d'une scrupuleuse fidélité littérale à la doctrine de Charles Maurras, à sa physique sociale, à son politique d'abord, à son nationalisme intégral, c'est-à-dire royaliste. Il a ainsi contribué à maintenir dans l'actualité des travaux et des jours le contact intellectuel et la continuité vivante avec la grande aventure exemplaire à l'Action française (une école, un journal, une armée) : elle demeure une singulière source d'inspiration politico-religieuse. Pendant près d'un demi-siècle Pierre Pujo y a tenu avec honneur, avec sagesse, sa place au premier rang. Il méritait d'être aimé plus qu'il ne l'a été.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="border-style: none; border-width: medium; line-height: 150%; padding: 0cm;"><i>Article paru dans </i>Présent<i> le 13 novembre 2007</i><br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="border-style: none; border-width: medium; line-height: 150%; padding: 0cm;"><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Maurras, un symboliste aussi ! - </b><i><b>par Hilaire de Crémiers</b></i><br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>« Si peu que soit mon art, il ne laissera pas de donner ainsi quelque joie à qui y cherchera, non plus la cloche, le griffon, l'écu, le lys en fleur, le coq, l’aiguière, la colombe ni les autres symboles de cette industrie primitive, mais les traits d'une simple et pieuse philosophie. Ces traits se feront voir dans leur naturel quand vous présenterez les pages de ces </i>Mythes <i>et de ces </i>Fabliaux<i> au clair intérieur de vos réflexions. Ils se révéleront sous un mince tissu de phrases, dont je peux dire que je n'ai pas écrit une seule sans l'illustrer comme d'un filigrane de sens secrets ».</i><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Ainsi s'exprime Charles Maurras dans la préface de son <i>Chemin de Paradis</i>, datée de mai 1894. Autant dire qu'il semble exiger pour sa première oeuvre littéraire une intelligente compréhension de sa signification symbolique. Or, il est curieux de constater que jamais l'interprétation symbolique ni même vraiment allégorique n'a été tentée pour essayer de donner une explication cohérente à ses contes du <i>Chemin de Paradis</i>, comme d'ailleurs à toute cette partie de son oeuvre non négligeable où il use de ce style caché et constamment métaphorique, que ce soit des petits bijoux de prose comme <i>L'Étang de Marthe et les hauteurs d'Aristarché</i>, que ce soit de façon quasi générale sa poésie. Le sens n'étant pas immédiatement perçu chez un homme qui était censé aimer la seule clarté intelligible, l'attention se rebutait.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Et puis Maurras était Maurras, se disait-on. Il devait donc constamment démontrer rationnellement. N'avait-il pas assez prétendu restaurer « <i>un art intellectuel</i> « et assez fustigé les dégénérés de « <i>l'art décadent</i> », symbolistes compris, surtout ceux du Nord, dont les Ibsen, les Huysmans traité de « <i>Batave</i> », pour sa symbolique jugée de mauvais goût – oui, même après sa conversation au catholicisme ! –, les Théodor de Wizewa et autres conteurs de contes néo-chrétiens faits pour décérébrer les héritiers du plus noble des héritiers classiques ? Certes, le jeune Maurras avait eu un faible pour les poètes symbolistes, Verlaine surtout, toujours aimé, Baudelaire, mais renié, cependant il avait fait son choix, et le symbolisme ne pouvait se vivre qu'avec la reviviscence poétique appelée « <i>romane</i> » d'un Moréas, d'un La Tailhède et d'autres aux noms moins connus, et quant au « <i>culte du moi</i> » il n'était capable d'exalter la vigueur d'un vrai lyrisme qu'avec un Barrès !<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Soit. Et cette explication semblait suffisante. Tellement suffisante.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Eh bien non ! Maurras offre et offrira encore bien des surprises. Mais, il est vrai, ce prétendu rationaliste a l'art de cacher ces ténébreuses surprises dans des mystères de lumière. Il y mettait son art ; il les chargeait de forces symboliques qui ne pouvaient irradier et signifier des vérités formidables. « <i>C'est un abri et un bouclier que la lumière ; elle est impénétrable aux curiosités du commun. Les mystères qu'elle recouvre ne seront jamais divulgués. Je lui ai confié les miens...</i> », dit-il encore dans la préface de son <i>Chemin de Paradis</i>.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Et donc Maurras a utilisé l'art de ses contemporains ; il l'a porté à un degré d'achèvement hautement classique et d'une ironie supérieure. Symbolique plus que les symbolistes n'ont eux-mêmes osé l'être et pour dire, non des insanités insignifiantes – reproche, injuste sans doute, fait à un Mallarmé reconnu pourtant pour sa fluidité parnassienne – mais « <i>de grandes et terribles leçons</i> » dignes d'un Bossuet. Eh oui ! Sait-on que Maurras a écrit des contes païens pour répondre aux <i>Contes chrétiens</i> de Teodor de Wyzewa : même format de livre, même présentation. L'un fait un Jésus d'un écoeurant humanitarisme sans plus rien de divin ; l'autre se sert de symboles païens pour venger la majesté de la divinité outragée !<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Les contes de Maurras comme ses poésies roulent continuellement sur les mêmes thèmes symboliques de la lune et du soleil, de l'étang et de la mer, de la montagne et de la ville, des pins et des cyprès, pour dire toujours la même leçon : qu'on ne bafoue pas en vain les limites de l'ordre, surtout sous un prétexte religieux au risque de perdre l'homme et de détruire le sacré. Contes d'apocalypse ? Qui méritent donc d'être révélés, selon le sens du mot ? Oui, sans aucun doute, pour redonner à Maurras toute sa dimension, y compris symbolique, qui le restitue dans son époque.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><i>Article paru dans </i>Politique Magazine <i>(7 rue Constance, 75018 Paris), n° 58, décembre 2007.</i><br /></div></blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Dieu et le roi - correspondance Maurras-Mgr Penon<br /></div><blockquote><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">En 1970, sous le titre <i>La République ou le Roi</i>, avait été publiée la très volumineuse correspondance échangée entre Maurice Barrès et Charles Maurras : des centaines de lettres qui, rassemblées, offrent, sur près de quatre décennies, un panorama unique sur le monde littéraire et le monde politique.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Aujourd’hui, sous un titre proche, <i>Dieu et le roi</i>, paraît la vaste correspondance que Maurras a échangée tout au long de sa vie avec l’abbé Penon, son premier maître, devenu, sur le tard, évêque de Moulins. Certaines ont été perdues, mais le plus grand nombre ont été conservées. Elles voient enfin le jour dans une édition intelligemment présentée et minutieusement annotée par Axel Tisserand : quelque trois cents lettres (165 de Mgr Penon et 130 de Maurras) écrites entre 1883 à 1928, inégalement réparties selon les périodes.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">L’abbé Penon était professeur au petit séminaire d’Aix-en-Provence et au collège du Sacré-Cœur de la même ville. Il eut le jeune Maurras comme élève. Celui-ci entrait dans l’adolescence et allait bientôt connaître une crise intellectuelle, morale et religieuse qui ira en s’aggravant toujours plus (non sans lien avec la surdité qui le frappe). L’abbé Penon était pour lui un maître, qui lui dispense des cours particuliers, de grec et de latin, mais aussi un témoin et un confident de sa crise spirituelle.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">La première lettre conservée est celle que le jeune Maurras, âgé de quinze ans, envoie à son professeur qui vient de perdre sa mère. Lettre qui témoigne d’une grande maturité, d’un style déjà bien maîtrisé et, aussi d’une foi religieuse qui semble encore vive.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Le 2 décembre 1885, le jeune Maurras arrive à Paris, avec sa mère. Dans les dix années qui suivent, la correspondance avec l’abbé Penon resté à Aix est très suivie : plus de la moitié des lettres qui nous sont parvenues. Comme le dit Axel Tisserand dans sa longue présentation, c’est une période très importante pour Maurras, c’est à la fois « la fin de sa formation intellectuelle », son « émancipation » (de l’abbé Penon), et aussi les années de son « apprentissage de la vie parisienne – littéraire et journalistique. »<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Puis, la fondation de l’Action française, et l’engagement politique de Maurras, réduisent la correspondance. Ce qui ne signifie pas que l’abbé Penon – même quand il sera devenu évêque de Moulins – soit en désaccord avec son ancien élève. Au contraire, on peut parler d’une influence politique de Maurras sur son ancien maître. En février 1901, l’abbé Penon remercie Maurras d’avoir contribué à le guérir du « fétichisme de la liberté abstraite » et de l’avoir ramené « à la conception plus vraie, plus profonde, que je trouvais autrefois paradoxale chez nos grands penseurs catholiques. »<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Mais on aurait tort de ne voir en l’abbé puis Mgr Penon qu’un clerc admiratif des dons si grands de son ancien protégé. Au fur et à mesure qu’il le voit s’éloigner des vérités chrétiennes, dans son comportement comme dans ses conceptions, il essaie de le ramener sur des voies plus limpides. Il n’aura de cesse de tenter de sortir son « cher vilain païen », comme il l’appelle en 1896, de l’agnosticisme.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Maurras, continue à appeler « cher Maître » celui qui est devenu évêque de Moulins. Ce n’est pas flagornerie. Plus de trente ans après leur première rencontre, il continue à se confier à lui, à lui faire part de ses raisons. Mgr Penon, lui, attend « le jour où les prières auront rendu Maurras à Dieu et Dieu à Maurras » (30.12.1913), mais, en même temps, il trouve « parfaitement absurde et ridicule l’assertion […] que la lecture de <i>L’A.F.</i> fait perdre la foi ».<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">En 1913-1914, après la première tentative de condamnation de l’Action Française par le Vatican, puis en 1926-1928, après la condamnation de l’A.F. par Pie XI, Mgr Penon prend sa défense. Mais il reconnaît que la question est « <i>très grave</i> » (17.8.1928), c’est-à-dire qu’il n’exempte par Maurras et le journal monarchiste de tout reproche. Il estime, par exemple, que le premier livre de Maurras, <i>Le Chemin de Paradis</i>, n’aurait jamais dû être réédité (p. 604).<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">Il y aurait bien d’autres faits, sentiments et idées à relever dans cette correspondance Maurras-Penon. C’est un document sans précédent qui éclaire un demi-siècle d’histoire intellectuelle, politique et religieuse de la IIIe République.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;"><b>Yves Chiron</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i>Dieu et le Roi. Correspondance entre Charles Maurras et l’abbé Penon (1883-1928)</i>, Editions Privat, 752 pages, 30 euros.<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[1] Toutefois, Spengler ajoutait une phrase à laquelle nous souscrivons volontiers : « Mais qu’on fonde un schéma de l’histoire universelle sur ces jugements de valeur, personne n’en a le droit ».<br /></div><div align="justify" class="MsoEndnoteText" style="line-height: 150%;"><span lang="EN-US">[2]</span><span lang="EN-US"> </span>C’est à saint Thomas que nous devons surtout cette distinction entre la raison et la foi tout en en percevant leur accord. L’esprit européen est indiscutablement thomiste.<br /></div><div align="justify" class="MsoEndnoteText" style="line-height: 150%;"><span lang="EN-US">[3]</span><span lang="EN-US"> </span>Claude Tresmontant, <i>Les problèmes de l’athéisme</i>, Ed. du Seuil, 1972.<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%;">[4] Il n’est pas certain qu’Alain de Benoist se reconnaisse complètement dans un tel courant.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[5] La différence entre les deux courants ne semble pas porter pas en tout cas sur la notion d’Occident puisqu’ils cherchent tous deux à défendre l’Europe, l’un assimilant purement et simplement l’Occident à l’Europe, l’autre considérant que la notion d’Occident est décidément trop ambiguë pour être utile et lui préférant de loin celle d’Europe. On peut se demander si tout ce monde pourrait s’accorder sur la définition que donne Valéry de l’<i>Esprit européen </i>: « Partout où les noms de César, de Gaius, de Trajan et de Virgile, partout où les noms de Moïse et de saint Paul, partout où les noms d’Aristote, de Platon et d’Euclide ont eu une signification et une autorité, là est l’Europe ».<br /></div><div align="justify" class="MsoEndnoteText" style="line-height: 150%;">[6] On n'insistera pas ici sur le caractère « oriental » des Saintes Ecritures tant cette idée va de soi. Un certain nombre de chrétiens s’offensent lorsqu’on leur en fait la remarque car bien souvent on confond la portée universelle(aliste) d’un texte avec son enracinement terrestre. L’universel, cela va de soi, s’exprime toujours dans une langue compréhensible par l’homme, en l’occurence ici l’hébreu et le grec. De cette remarque il s’en suit qu’un texte ne peut pas renfermer tout l’universel, penser le contraire est une aberration qui n’arrête pourtant pas certains esprits fébriles. Et corollairement, que l’esprit échappe toujours à la lettre, d’une façon ou d’une autre.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[7] Alain de Benoist nous semble parfois ne pas échapper à cette critique si on veut bien comprendre « romanité » non dans son sens premier, mais dans celui renvoyant au monde classique (catholicisme romain et belles-lettres).<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[8] Lire en particulier l’encyclique <i>Redemptoris missio.</i><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-70740003337033705042007-09-15T14:21:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.866-08:00[Maurrassiana n°4] Le Procès Daudet vu par René Béhaine<div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Maurrassiana - Septembre 2007 - 2<sup>ème</sup> année – n°4</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">----------<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Le Procès Daudet vu par René Béhaine</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Michel, le héros de l’<i>Histoire d’une Société</i> de René Béhaine, profite d’un séjour de quelques jours à Paris pour assister à deux audiences du procès intenté à Léon Daudet en 1925. Ce procès est la suite de la campagne de presse que Léon Daudet mena dans l’Action Française pour tenter d’établir la vérité sur la mort de son fils Philippe.</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="text-decoration: none;">Le déploiement des forces policières qu’il trouva aux abords de la salle réservée aux causes criminelles, le grand nombre d’avocats, de curieux privilégiés qu’il voyait aller et venir derrière les barrages de gardes municipaux, tout annonçait le grand procès d’assises. Il fit passer au Président sa carte sur laquelle il avait ajouté quelques mots pour rappeler les hautes fonctions de son père, et, ayant obtenu l’autorisation demandée, pénétra dans la salle par le couloir réservé aux jurés et alla s’asseoir sur un des grands fauteuils rangés en ligne derrière la Cour. Alors seulement il promena son regard devant lui. Sur les bancs réservés, comme au fond de la salle où se tenait le public debout, il n’y avait pas une place vide ; et de cette foule pressée montait un bruit ininterrompu de voix dont la confusion passionnée produisait une rumeur si intense que, malgré ses vastes dimensions, la salle semblait insuffisante à la contenir.</span><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Enfin, surgissant au seuil de la porte qui conduisait à la Chambre du Conseil, un huissier parut et annonça :<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">- La Cour.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Et tandis que le bruit des voix se perdait dans un silence que troubla pour un instant le piétinement de l’assistance qui se levait, quatre magistrats, dont deux en robe rouge, le Président et l’Avocat général, firent leur entrée et, sans solennité, comme des figurants empêtrés dans leurs vêtements d’emprunt, gagnèrent leurs places.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Le premier témoin fut appelé, et le duel sans merci, dont Michel n’avait pas vu le commencement, reprit. À chaque instant, le Président s’adressait à Léon Daudet. Mais comme le bourreau disant à Louis XVI, pour l’engager à se laisser lier les mains : «<i> Sire, avec un mouchoir</i> », il avait la convenance d’user de formes exceptionnelles en pareils cas et appelait l’inculpé : « <i>Monsieur</i> ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">- Monsieur Léon Daudet, vous avez entendu la question.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Aussitôt, se levant de la chaise qu’auprès de son coinculpé, le gérant de l’<i>Action Française</i>, il occupait devant le banc des avocats, Léon Daudet se redressait, la tête haute. Et ainsi que par un jour d’orage l’éclair soudain illumine et troue la vue, une voix mordante, impérieuse, dominatrice, éclatait, démontrant l’imposture, dénonçant le mensonge, et toujours éclaircissant un peu plus les ténèbres qu’à son premier silence une autre voix débordant d’une ironie haineuse s’efforçait de répandre plus épaisses. C’était celle de maître Noguères, l’avocat de Bajot. Michel ne le quittait pas des yeux. Tout noir, avec une barbe en pointe et des moustaches ébouriffées, il eut ressemblé à un mousquetaire de mélodrame si, - à certains moments où bondissant de son banc et semblant désigner du bout de son bras tendu le point qu'il voulait frapper, il tentait d'atteindre au cœur son adversaire impassible, - ses brusques sursauts ne l’eussent alors fait ressembler à ces mauvais juges qu’on voit, sous le petit doigt qui presse le bouton d’un ressort, surgir de la boite dont le couvercle se relève brusquement.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Bien que Michel connut à peu près tout de l’affreuse histoire, il n’en avait appris les détails que par la lecture des articles quotidiens de Léon Daudet dans l’<i>Action</i> <i>Française</i>. Maintenant, elle prenait vie devant lui, il en découvrait les acteurs. Léon Daudet se trouvait là, si grand qu’au milieu de la meute dont il était le centre, il la dominait encore et qu’elle reculait quand il avançait. Magistrats, avocats, policiers, témoins, jurés, tous, malgré leur haine, leur peur ou leurs mensonges, restaient des comparses. Comme un géant parmi des nains, comme un chef devant une émeute, il leur tenait tête et s’en faisait écouter. Bien plus que le Président désemparé, c’était lui qui dirigeait les débats. »<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><i>Une suspension d’audience intervenant</i>, « aussitôt les magistrats se levèrent, et avant même qu’ils eussent quitté le prétoire, le tumulte longtemps contenu reprit avec plus de violence. Chacun avait quitté sa place ; des groupes se formaient ; des discussions s’engageaient. Michel, qui était descendu dans la salle, regardait Léon Daudet. Il s’était écarté de ses avocats et en cet instant se trouvait seul, tournant le dos à la foule. Avec sa corpulence, son profil busqué qu’une lippe méprisante et la fente horizontale de ses paupières rendaient plus impérieux, il semblait être d’une autre époque. Et soudain, tant la ressemblance était frappante, Michel crut voir Philippe-Egalité. Il eut suffi d’une perruque à catogan, d’un costume différent, et rien n’eut distingué le défenseur du principe monarchique de ce capétien régicide qui, un siècle et demi plus tôt, avait contribué à sa destruction. Stupéfait par l’étrange ressemblance, il ne quittait pas Léon Daudet du regard. À ce moment, il aperçut, venant d’un œil qui ne s’était pas baissé, une grosse larme dont la goutte descendait lentement sur l’impassible visage. Mais déjà ce visage se retournait du côté de la salle, et l’expression en était si altière, elle marquait tant de courage et de grandeur, que nul ne se fut douté, en le voyant, de la douleur qui se dissimulait sous le masque dont Michel n’ignorait plus maintenant l’héroïque mensonge : une douleur qu’il avait sentie tellement écrasante, tellement hors de toute commune mesure, qu’il se demandait si derrière la cause terrible qui l’expliquait, il n’y en avait pas une autre, plus tragique encore et plus lointaine et dont le temps n’avait pas affaibli le pouvoir, quelque mystérieux passif inconnu de celui-là même qui avait aujourd’hui à en supporter les effets.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><span style="text-decoration: none;">Cependant l’huissier paraissait, le tumulte s’apaisait, et quand la Cour eut fait son entrée, le drame, après ce long entr’acte, reprit et continua. Maintenant le premier témoin appelé à déposer était Le Flaoutter, le tenancier de la librairie suspecte dans les sous-sols de laquelle Philippe Daudet avait été attiré et mis à mort. Sans paraître avoir entendu la rumeur que l’appel de son nom avait soulevée dans l’auditoire, l’homme s’avança vers la barre où, ayant prêté serment, il attendit. Avec son front chauve, ses yeux dont d’épais sourcils accusaient la lueur mauvaise et sa longue barbe, il donnait l’impression d’un bureaucrate vicieux. Rien en lui ne trahissait le moindre embarras ou la moindre crainte. Sûr de l’impunité que lui garantissaient ses accointances policières, il portait avec impudence le poids de son infamie. Le Président lui transmettait la question que venait de poser maître de Roux, l’un des avocats de la défense. Il écoutait tranquillement, puis, s’étant tourné vers le jury, il y répondait, débitant sans une hésitation, comme une leçon bien sue, ses mensonges préparés et appris. Mais parfois, à une question plus inquiétante, il se retournait brusquement, et c’était alors à Léon Daudet qu’il s’adressait directement, laissant malgré lui paraître, au cours du bref engagement qui suivait, un éclair de la joie cruelle qu’il éprouvait à pouvoir, à défaut d’un triomphe plus complet, faire du moins souffrir cet adversaire toujours impassible et qui recevait les coups sans chanceler.</span><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Le jour était complètement tombé quand l’audience fut levée. Dans son impatience de pouvoir se retrouver seul au grand air de la nuit, Michel eût vite devancé la foule qui s’écoulait lentement par les couloirs et, choisissant l’issue la plus rapprochée, sortit par le grand escalier de la Place Dauphine. Il venait de franchir les grilles du Palais quand un piétinement le fit se retourner et il aperçut Léon Daudet. Reconnaissable au milieu du groupe silencieux et rapide des camelots qui lui faisaient escorte, il descendait l’escalier presque en courant, léger malgré sa corpulence, comme un chef pour qui le combat n’est que suspendu et qui se hâte de regagner son quartier général afin de préparer son plan en vue des luttes du lendemain. Le groupe n’avait pas atteint le trottoir que déjà, lancée à toute vitesse, une automobile arrivait ; son conducteur freinait brusquement, la portière s’ouvrait, et si rapidement qu’il était impossible de savoir si c’était à lui ou ses compagnons qu’était due l’impulsion qui le poussait en avant, Léon Daudet à l’intérieur, des camelots s’y engouffraient à sa suite, la portière claquait et tout aussitôt l’automobile, de chaque côté de laquelle d’autres camelots avaient sauté sur le marche-pied où ils se tenaient debout, repartait dans un grondement qui, presque immédiatement assourdi par le changement de vitesse, ne tardait pas à se perdre au milieu de l’immense rumeur de Paris. Aussitôt, malgré les groupes qui commençaient de la traverser, la place parut vide, comme si celui dont, en cet instant, la voiture disparaissait au tournant du quai en eut emporté toute la vie avec lui.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">L’intérêt passionné que Michel prenait à ce drame pathétique était tel qu’il voulut assister à une nouvelle audience… Il apercevait aussi Bajot, muet comparse qui n’était qu’un pion sur l’échiquier où se jouait cette partie tragique engagée contre l’innocence par la bande de criminels auxquels le magistrat en robe rouge qui occupait le siège du ministère public osait prêter sa voix. Cependant une forme noire, immobile au premier rang du public, attirait plus encore ses regards. C’était madame Léon Daudet, en grand deuil, aussi héroïque dans son calme apparent que son mari, qu’à distance elle soutenait de son ardent silence.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Il n’y avait pas là seulement des curieux, des amis ou des adversaires de Léon Daudet. Tous les coupables aussi étaient présents. Trop avilis pour sentir leur bassesse, ils allaient et venaient tranquillement, librement, à quelques pas de l’homme qu’ils bravaient de leur présence sans que lui parût même les remarquer. Mais Michel les regardait avec une curiosité intense. Celui-ci, c’était le commissaire Colombo, le meurtrier ; celui-là, Lannes, le contrôleur de la Sûreté générale et beau-frère de Poincaré ; cet autre, Delanges, le chef de cette même Sûreté. Plus loin, il voyait le rictus haineux de Noguères : Noguères, l’avocat du crime, qui déjà s’essayait sur un seul au rôle que, bien des années plus tard, devenu Président d’un nouveau Tribunal Révolutionnaire, il exercerait sans plus de remords et avec toujours la même haine sur tant d’autres innocents. Soudain, Michel se sentit pressé contre quelqu’un qui passait en ce moment près de lui. Il tourna la tête et reconnut Le Flaoutter.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Le contact subit d’une chair putréfiée ne lui eut pas inspiré plus de dégoût, et sa répulsion fut telle que, comme on a besoin d’air pur après avoir respiré par mégarde quelque vapeur méphitique, il se dirigea vers madame Daudet. Son cœur débordait d’indignation et de pitié. S’il avait souffert, s’il souffrait de se trouver dans ce milieu abominable, quelle ne devait pas être sa souffrance à elle - elle qui voyait circuler librement le meurtrier de son enfant ! Il aurait voulu l’aider, la soutenir, contribuer à confondre les criminels. Il ne pouvait rien. Il était encore presque inconnu et sans aucun pouvoir. Désolé de son impuissance, il l’aborda pourtant et, s’étant nommé, lui dit simplement - bien loin de se douter que si cette affirmation était toute gratuite encore, il pourrait un jour lui en donner, retardée, mais décisive, la preuve qu’en cet instant laissait seule deviner l’altération de sa voix :<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">- Madame, croyez que je comprends votre souffrance et que Léon Daudet et vous avez en moi un ami.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Ce fut seulement après son retour à Hyères que Michel apprit le dénouement de ce grand drame. Non seulement Léon Daudet était condamné à six mois de prison, aux frais du procès, mais encore il avait à verser au chauffeur Bajot les cent mille francs de dommages-intérêts que celui-ci réclamait en tant que partie civile. Comment, avec cette preuve qu’il n’existait aucune justice sur la terre, Michel, eut-il pu espérer qu’elle s’exerçât jamais pour lui ? Il n’espéra plus et vécut dès lors dans un monde immobile.<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Ces pages sont extraites de l’ouvrage de René Béhaine (1880-1966), <i>Histoire d’une société</i>, Editions Nivoit, 2006 (ouvrage disponible à l’Association Anthinéa au prix de 28 €).</b><br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">----------<br /></div><div align="justify" class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Recensions</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>• </b>La revue <i>Lovendrin</i> a eu l’excellente idée de publier l’intégralité du discours célèbre de Léon Daudet : « Défense des humanités gréco-latines ». Ce discours fut prononcé le 27 juin 1922 alors que Daudet était député à l’Assemblée Nationale et Léon Bérard ministre de l’Instruction publique. Daudet y défend l’utilité de l’enseignement du latin, dès la sixième, et du grec. Ils sont essentiels, dit-il, pour « la formation du jugement » et l’entraînement à « l’effort ». Qui plus est, les humanités gréco-latines (langue, littérature, histoire) sont des connaissances « indispensables à la culture générale ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">L’intérêt de la publication d’aujourd’hui est de livrer non seulement le texte du discours de Léon Daudet, mais aussi la retranscription des débats. Avec des intervenants du niveau d’Edouard Herriot, de Léon Bérard et de Xavier Vallat, on ne pouvait avoir qu’un débat élevé, qui va jusqu’au principe : l’humanisme. Le débat sur le latin et le grec débouche, naturellement, sur un débat plus large : quelle conception de l’homme et quelle morale enseigner ? Léon Daudet pointe du doigt la morale kantienne et le criticisme kantien que la IIIe République a substitués au réalisme. « Kant a tué toute la métaphysique » estime Daudet.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Pour finir, Léon Daudet plaide pour que les instituteurs enseignent, lors de la dernière année du primaire, « les premiers rudiments du latin ». « L’enseignement, c’est le pain de l’esprit ». Ne refusez pas le pain des humanités classiques aux enfants qui n’iront jamais au collège, dit-il en substance.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Aujourd’hui où la scolarité est obligatoire jusque seize ans, le plaidoyer est encore plus pertinent.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Yves Chiron</b><br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b><i>Lovendrin</i>, n° 19, septembre-octobre 2007, 16 pages, 3,50 € le numéro (règlement par chèque à l’ordre de Samuel Martin, 41 rue Vieille-du-Temple, 75004 Paris).</b><br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>• </b>Francis Bergeron publie un intéressant portrait de Léon Daudet. La collection « Qui suis-je ? » où paraît le volume a imposé des contraintes. Elles sont toutes, ou presque, bienvenues. Le récit biographique classique est orné, presque à chaque page, d’illustrations (photographies, dessins, gravures) qui, elles-mêmes, apprennent beaucoup de choses. Les annexes sont abondantes et utiles : une anthologie d’opinions et de jugements sur Daudet (d’Alain à Eric Vatré, en passant par Bainville, Brasillach, Geneviève Dormann, Kléber Haedens, Maurras, Proust et bien d’autres) ; un recueil de citations de Léon Daudet par thèmes (d’ « Activisme » à « Vieux », en passant par « Peuple », « Roi », « Réaction », etc.) ; une suite de portraits à charge ou à décharge extraits des écrits de Léon Daudet (Blum, Briand, Claudel, Courteline, Jaurès, La Rocque, etc.). Il y a aussi une bibliographie des œuvres <i>de </i>Daudet et <i>sur </i>Daudet et une chronologie. L’ouvrage se termine, comme toujours dans cette collection, par une étude astrologique de Léon Daudet. C’est la partie la plus contestable du livre, mais somme toute il suffit de ne pas la lire si on ne veut pas perdre son temps.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">À propos de la mort de Philippe Daudet, Francis Bergeron retient, à raison, la thèse du suicide. Et de manière pertinente il estime que l’ « engagement [de Léon Daudet] dans cette affaire, le militantisme qu’il déploya pour donner aux explications un cours différent de celui qui, au départ, s’imposait, furent un extraordinaire dérivatif pour lui permettre de supporter l’affreuse blessure d’une telle douleur. »<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Philippe Bergeron nous dit que le roman de Léon Daudet, <i>Les Bacchantes</i>, publié en 1931, fut mis à l’Index des livres prohibés par le Saint-Office en 1932. C’est exact. Mais il aurait dû ajouter trois autres titres : <i>Le voyage de Shakespeare</i>, publié en 1896, fut mis à l’Index en 1927, et les deux ouvrages de défense de l’A.F. qu’il a présentés avec Charles Maurras (<i>L’Action Française et le Vatican. Les pièces d’un procès</i> et <i>La politique du Vatican. Sous la terreur</i>) ont été condamnés respectivement en 1927 et 1928.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;">Détails secondaires qui n’enlèvent rien à la grande qualité du livre, un des meilleurs qu’ait publiés Francis Bergeron.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Yves Chiron</b><br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%; margin-left: 0pt; margin-right: 0pt; text-indent: 0pt;"><b>Francis Bergeron, <i>Léon Daudet</i>, Editions Pardès (B.P. 11, 77880 Grez-sur-Loing), collection « Qui Suis-Je ? », 2007, 128 pages, 12 €.</b><br /></div></blockquote>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-29815116740791496762007-04-15T14:17:00.000-07:002009-12-24T10:10:08.842-08:00[Maurrassiana n°3] Dans le jardin de l'amitié, par Mme Léon Daudet + «...Mes devoirs de douce badauderie...» - par Bernard de Vaulx<div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Maurrassiana - Avril 2007 - 2<sup>ème</sup> année – n°3</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"> Lorsque Charles Maurras a été élu à l’Académie française, l’Action Française lui a consacré, le 16 juin 1938, un numéro spécial de son supplément littéraire. Nous en reproduisons ici deux articles, ceux de Mme Léon Daudet et de Bernard de Vaulx, qui montrent certains aspects humains et intimes de Maurras.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Nous y ajoutons un florilège de la pensée de Maurras. Ces « Notes et Réflexions » ont paru le 7 janvier 1937 dans L’Action Française, à l’occasion d’un autre numéro spécial de « la Vie littéraire française » qui marquait le Jubilé littéraire de Charles Maurras. On peut penser que Maurras avait veillé de près à ce choix de ses pensées, qui reflète le meilleur et le plus sûr de sa pensée.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Y.C.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Dans le jardin de l'amitié - par Mme Léon Daudet</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il fait bon se promener dans le jardin de l'amitié en compagnie de notre cher Maurras.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ceux qui ne le connaissent que par son œuvre immense, son étonnant labeur, ses vastes connaissances, son optimisme sans pareil, le connaissent-ils vraiment ? Je ne le crois pas tout à fait... Ses admirateurs, et ils sont nombreux, peuvent déjà le contempler à travers ses écrits, comme s'ils avaient devant eux sa statue, modelée par un artiste grec, en plein soleil, dans un beau et grave paysage de Provence.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Car, sur cette terre, où presque rien ne dure, Charles Maurras, dès son vivant, représente la fidélité de la pensée et du sentiment, ses amis savent qu'il ne change pas, quelles que soient les influences ou les circonstances de la destinée, et qu'il n'abandonne jamais ceux qui ont mis en lui leur confiance et leur affection.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Cependant, dans l'éclatante lumière de sa vie publique, combien de nuances et combien de rayons dans cette riche nature peuvent nous échapper... (N'est-ce pas au-delà du prisme que l'on fait les plus belles découvertes ?...).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Je veux donc simplement aujourd'hui, en fermant les yeux sur le présent, évoquer la douceur des journées d'amitié parfaite passées à Martigues, dans sa chère maison, avec sa mère si compréhensive et si bonne, qui savait faire régner chez elle, malgré son grand âge, l'affection et la fermeté, mêlées à une si émouvante spiritualité.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">C'est en parlant avec Mme Maurras que j'ai le mieux compris son fils. Il lui ressemble tellement ! Attachés à tous leurs devoirs, prenant toutes leurs responsabilités, ne négligeant rien, ni personne, donnant tout, ils étaient tous les deux comme les reflets d'un même divin miroir ; il n'avait pas pour elle, comme ont souvent les fils, un amour de condescendance, ils se comprenaient à merveille, sans paroles, doués de la même finesse sur un fond secret héroïsme ; ils savaient, au courant des jours, se montrer gentils, pleins de gaieté et de simplicité, et leur double présence ravissait leurs proches.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Aussi, hier, en apprenant, avec quelle joie! dans le vestibule de l'Institut, l'élection de Charles Maurras à l'Académie française, ma première pensée fut-elle d'associer aussitôt cette joie à celle de tous les siens absents : à sa mère ; à son frère Joseph qui l'aimait tant ; à la longue lignée de ses « <i>Avi</i>, si sages, si sages » qui devaient être fiers de voir enfin reconnues officiellement en France la valeur morale et la force intellectuelle de leur descendant.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Oui, c'est à Martigues et aussi à Roquevaire que mon cœur a bondi par le message de la prière, dès que j'ai su la bonne nouvelle; et le jardin de l'amitié et du souvenir soudain s'est fleuri de milliers de roses.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Madame Léon DAUDET</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>« ... Mes devoirs de douce badauderie... » - par Bernard de Vaulx</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">C'est à l'occasion de l'éclipse de soleil du 16 avril 1912 que Charles Maurras a parlé, avec le plus spirituel enjouement, de ses « devoirs de douce badauderie ». Ce matin-là, le numéro de <i>l'Action française </i>achevé, il avait couru joyeux à la gare Saint-Lazare prendre le premier train pour Saint-Germain, et muni de verres fumés, s'était installé sur la noble terrasse transformée en observatoire populaire, pensant qu'il n'y avait aucun romantisme à regarder le ciel quand il mérite d'être vu. Son stoïcisme ordinaire ne manque donc pas de gaieté, comme l'a dit l'autre jour Léon Daudet. Et il nous a semblé qu'une petite touche manquerait à son portrait s'il n'était fait mention de pages où se montre un Charles Maurras enjoué, curieux, visuel, flâneur et même, pour tout dire, un peu amateur de badauderie, qui tiennent peut-être dans son œuvre une place un peu comparable à celle du <i>Voyage aux Pyrénées </i>dans l'œuvre de Taine.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Charles Maurras n'a jamais analysé de façon plus explicite une certaine attente, une certaine flânerie, qui est une manière de se recueillir pour mieux savourer le bonheur, que dans <i>Anthinéa</i>, au point où il raconte comment il a retardé son rendez-vous avec l'Acropole. Mais c'est le curieux de la rue parisienne, l'observateur amusé et attendri, l'ami du petit peuple, que nous aimerions suivre ici, celui qui a écrit un jour que la « familiarité... est l'âme de la véritable vie française ». Cette familiarité ne s'est jamais librement épanouie que devant l'ennemi et le danger.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Après le raid du premier zeppelin apparu dans notre ciel, Maurras alla, toujours au petit matin, rue Dulong et rue des Dames, où l'appelait impérieusement « le devoir professionnel du badaud ». Arrivé aux Batignolles il entra dans un débit de tabac qui ouvrait paresseusement sous la direction d'une débitante « autoritaire et majestueuse », promenant « sur un comptoir haut et large comme un trône, son puissant profil bourbonnien ». Il osa parler de bombes en acquérant deux sous d'allumettes de cire :<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">« – Je les ai entendues, je ne les ai pas vues, répondit-elle avec un bâillement.<br />Une pauvre fille à tignasse blonde, aux yeux frais, me tira de peine:<br />–<span style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal;"> </span>C'est au 78...<br />–<span style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal;"> </span>Loin d'ici ?<br />–<span style="font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: normal;"> </span>Eh ! non, là...<br />Il n'y avait qu'à traverser la petite place, à remonter six numéros. »<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ce vivant croquis achevé, Maurras avoue qu'il ne trouva rien, qu'une fine poussière blanche, « quelque chose comme des parcelles de craie au sortir du marteau-pilon ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Vint la Bertha, et cette journée de mars 1918 où les Parisiens entendirent ses premiers obus. Maurras ne voulut point de voiture pour rentrer chez lui de l'imprimerie. « De pareilles heures ne se goûtent qu'à pied ». Sur le « chemin de l'école », il s'élança tout curieux de voir et de savoir. Il vit au coin de rue une silhouette familière arrêtée, et l'oreille tendue, comme pour reconnaître, identifier le son d'une voix. La passante reprit sa course. Il l'attendit pour la saluer.<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">« C'est, a-t-il conté lui-même, une de ces femmes courageuses qui sont nos collaboratrices de la dernière heure puisque, de leurs magasins de quartier, elles s'en vont distribuer de porte en porte, et parfois d'étage en étage, <i>l'Action française</i> et le <i>Pays, le Figaro </i>et<i> la Victoire, l'Echos de Paris </i>et <i>l'Humanité.</i> J'ai vu son mari soldat. Il est employé de librairie. Ce sont nos liens.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">– Eh! bien, lui dis-je, encore le canon ? Elle me fit signe qu'il n'y avait pas doute et continua son chemin. « C'est la guerre », criai-je. Elle répondit : « C'est la guerre », et sans hâter ni ralentir, poursuivit l'élan quotidien.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">J'arrivais sur le pas de la porte comme une petite laitière en sortit, l'œil brillant, la bouche fleurie d'une nouvelle intéressante, et sans attendre la question, s'écria :<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">– J'étais là-haut... ça a fait <i>baada booum, baada.</i><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Et elle porta précipitamment la main à sa bouche pour feindre la terreur qu'elle n'éprouvait plus.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">– Il y a longtemps ? demandais-je.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">– Cinq ou six minutes, peut-être... ».<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">---<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le 15 juillet, vers 8 heures et demie du soir, une Bertha tomba rue Saint-Lazare, devant la cour du Havre, à quelques mètres de nos anciens bureaux de la rue de Rome. Le lendemain, Maurras écrivait dans son journal:<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">« L'heureux sort m'ayant presque fait assister pour ma part à l'un de ses retours (de la Bertha), j'ai principalement vu rouler des pavés, se fendre quelques vitres et le courant des gaz déflagrants coucher au ras du sol une jeune passante. On l'a relevée fraîche et rose, sans autre mal que celui de la commotion, un peu surprise de voir se ruer tant de monde : en effet d'un demi-kilomètre à la ronde tous les voisins couraient à toutes jambes pour être des premiers à contempler la merveille des points de chute ! »<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">J'étais ce jour-là, à côté de lui sur le balcon de la rédaction, où nous nous étions retrouvés. Les débris de pavés et de vitres tournaient dans l'air. Je me vois le prenant par la manche pour l'en écarter et lui-même me rabrouant : « <i>Allons faire notre métier</i> ». Et nous fûmes dans la rue, fendant les badauds et le cordon d'agents que son coupe-file brandi faisait écarter en hâte. Le point de chute était un trou, à la vérité fort modeste. Aucun des consommateurs des terrasses voisines n'avait été égratigné. Seul, le kiosque à journaux tout proche avait pris l'inclinaison de la tour de Pise sous la pression des gaz, laissant indemne la marchande.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">---<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Charles Maurras a toujours aimé les spectacles militaires. Pendant des années, il a peu manqué de revues du 14 juillet. Celle du retour des vainqueurs nous a valu l'une des plus belles « choses vues » qu'il ait écrites. Qu'on nous permette d'en citer l'essentiel et d'abord l'amusant récit du mauvais tour que lui joua son démon de journalisme. Il s'était juré, en quittant l'imprimerie au petit jour, comme à l'ordinaire, d'aller sans retard au rendez-vous qu'un ami lui avait fixé au sommet d'un splendide appartement dominant la Concorde.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Dès quatre heures du matin, je prenais des mesures, tirais les plans pour ne pas manquer la parole. Mais tel est le démon professionnel ! il en a autrement disposé.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">À quatre heures et quelques minutes, il faisait donc l'ascension des Champs-Élysées, se jurant d'en redescendre dès qu'il aurait pris l'air de l'esplanade. À cinq heures, il y était toujours; à six...<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">« ... À six, les défauts et mérites du cénotaphe en déplacement exigent de grands efforts d'attention ou de discussion ; à six et demie, je tente sans succès l'ascension intérieure de l'Arc du Triomphe ; à sept, je n'ai pas démarré; à sept et demie, le métier de badaud continue à faire savourer ses délices. Voici des députés amis qui rient de leurs confrères de gauche qui ont arboré des insignes et des baromètres : les petits malheureux, ils vont nous faire écharper ! »<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurras s'attarde à admirer les Alsaciennes et les Lorraines en costume ; puis les cheicks aux brillants costumes : « Voilà des gens qui savent s'habiller ! ». Et sa flânerie continue, avec un léger remords toutefois :<br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">« Une idée consciente, embusquée quelque part dans le subconscient, agitée comme cette foule, me détourne de rechercher ce qui devrait être ma volonté. Commodité, humeur, vagues et vaines curiosités successives, expliquez-moi comment il s'est fait que bien avant qu'il fut huit heures, j'ai échoué finalement avec le sentiment confus que telle était en somme la destinée de mon matin, dans un groupe de photographes, de policiers et de reporters, où se heurtent des gens charmants, d'autres qui le sont moins, mais qui se trouve campé comme par un fait exprès des dieux bons exactement à droite de l'estrade présidentielle ? C'est de là que, petit à petit, tantôt entre des épaules trop hautes, un peu plus tard à découvert, j'ai tout vu. »<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">---<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il faut laisser un autre récit, celui du 14 juillet 1920, pourtant bien savoureux. Il nous faut même renoncer à dire longuement l'étroite relation de ces « choses vues » avec ses pages de doctrine, sans manquer d'observer toutefois que c'est au cours d'une description fort belle des boues et limons du Rhône que Charles Maurras a formulé l'un des canons de son esthétique : <i>Aucune origine n'est belle. La beauté véritable est aux termes des choses</i>.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Du moins avons-nous tenté de faire voir que, jusque dans le reportage pittoresque qu'il a salué un jour comme « l'honneur de notre presse », « la partie voisine de la perfection », Charles Maurras est journaliste, journaliste né.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Bernard de VAULX</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>NOTES ET RÉFLEXIONS - par Charles MAURRAS</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La pudeur est une parure, la nudité en est une autre. Une ligne élégante se suffit, comme une taille belle et svelte, élancée d'un jet pur.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L'art vrai ne peut aller sans quelques-unes des qualités du caractère et de la volonté.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La subordination n'est pas la servitude, pas plus que l'autorité n'est la tyrannie.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L'autorité viendra d'où elle vient toujours, d'où ne peuvent venir ses contrefaçons révolutionnaires : elle sortira des profondeurs du droit historique, elle jaillira de la nature de notre terre et de notre nation.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L'avenir appartient à qui recueille et sème l'éternelle fleur du passé.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il est beau de sentir qu'une belle colonne dorique, c'est le beau parfait. Il est meilleur de le sentir et de savoir la raison de son sentiment.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il faut tirer de soi et du bon exercice de sa fonction ses paradis intérieurs.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Choisir n'est pas exclure ni préférer : sacrifier.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Toutes les fois que les disciples de Rousseau et de Kant mettent la main sur leur cœur pour parler de leur conscience et de sa liberté, on peut être assuré que le terrorisme va dresser l'échafaud ou lancer la bombe quelque part.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">On peut admirer, comme on aime, sans estimer. Les sentiments lucides ne sont pas les moins chauds ni les moins décisifs, et ils ont l'avantage de ne pas s'égarer.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Désespérer est permis à qui doit mourir. Mais les nations par rapport aux hommes sont immortelles; brisées et partagées, elles peuvent tenir indéfiniment.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L'égalité ne peut régner qu'en nivelant les libertés, inégales de leur nature.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Huit reflets à un chapeau ne font pas un homme d'élite.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La sagesse politique consiste à savoir qu'il y a des imprévus dans la marche du monde : elle échelonne les moyens d'y faire face et d'y pourvoir.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Les imbéciles ont des grâces d'état pour devenir très rapidement des coquins.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le relâchement de la pensée est toujours une faiblesse au gouvernement. Mais l'opposition, c'est un véritable crime. Il n'y a que la vérité pour armer et soulever un peuple.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La force c'est l'indispensable, mais si on veut la retenir, la fixer, la capter, il faut l'idée.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Notre France est une œuvre d'art.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Misérable quand elle est divisée, la France renaît à la gloire quand ses divisions disparaissent.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Son instinct le lui dit, sa mémoire le lui rappelle, sa raison le lui explique.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il y a des moments de l'Histoire qui sont si étroits et si difficiles que les héros eux-mêmes n'y peuvent rien sauver qu'un principe, une tradition, une idée.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Comme toutes les plus belles inventions de l'homme sont nées de sa tristesse et de son mécontentement, les beaux éclats de l'histoire des peuples ont été presque tous préparés, mûris et comme enfantés dans la douleur.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Un véritable homme d'État n'agit point en vue de l'unique succès immédiat.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il sait qu'il peut mourir avant que toutes les semences aient donné leurs fruits apparents.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le scepticisme, qui est une bonne défense immobile contre les idées fausses, n'a jamais été un moyen de faire avancer une idée juste.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le patriotisme, quand la raison l'éclaire, n'est que le synonyme de la pitié la plus profonde, des plus hautes tendresses et enfin de l'humanité.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La pensée étant ce qu'il y a de plus honorable dans l'homme, je ne vois pas pourquoi l'on n'y mettrait point quelques risques de souffrance et même de mort.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Une pensée sereine, qui est saisie de quelque vérité utile et sublime, est assurée du calme à la condition de lui être fidèle.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La tradition n'est pas l'inertie, son contraire : l'hérédité n'est pas le népotisme, sa contrefaçon.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La vérité est intraitable. Ce sont les personnes humaines qui ont le devoir de composer et de concilier. Au-dessus d'elles, la vérité se garde pure. Elle ne varie pas au fond de son ciel.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ce qui est, ce qui n'est pas n'est pas, nous n'y pouvons rien.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La sincérité n'est pas la vérité. L'intention la plus droite et la plus ferme volonté ne peuvent pas faire que ce qui est ne soit pas.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La vraie tradition est CRITIQUE; faute de ces distinctions, le passé ne sert plus de rien, ses réussites cessant d'être des exemples, ses revers d’être des leçons.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Un objectif : le bien public. Un moyen de l'atteindre : la vérité. Les chemins de traverse, surtout les circuits de traverse, sont de faibles secours. On s'y perd. Mais la vérité sauve.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Charles MAURRAS</b><br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-46530028560987058622007-01-15T14:10:00.000-08:002009-12-24T10:10:08.854-08:00[Maurrassiana n°2] Une lettre d’Henri Rambaud au cardinal Gerlier - Documents inédits<div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurrassiana - Janvier 2007 - 2<sup>ème</sup> année – n°2<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Une lettre d’Henri Rambaud au cardinal Gerlier - Documents inédits</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Henri Rambaud (1899-1974), lyonnais, professeur de lettres, écrivain, fut un grand critique et une grande voix catholique. Il a collaboré à de nombreuses revues : la <i>Revue universelle</i>, le <i>Bulletin des Lettres</i>, <i>Itinéraires</i> (où il publia, notamment, à partir d’avril 1970, son « <i>Journal des temps difficiles</i> »). <i>Itinéraires</i> lui a consacré un numéro d’hommage en septembre-octobre 1974 (n° 186, avec des textes de Jean Madiran, V.-H. Debidour, Luce Quenette, Roger Joseph, Emile Poulat, Louis Salleron, le P. Gerentet). Emile Poulat a réédité son hommage, dans une version corrigée et augmentée, dans <i>La question religieuse et ses convergences au XXe siècle</i> (Berg international, 2005). Voir aussi la notice de Bruno Dumons « Rambaud Henri » in <i>Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine</i>, t. 6 « Lyon », Beauchesne,1994, pages 358-359.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Henri Rambaud avait fait la connaissance de Maurras en 1921 et la relation qui s’ouvrit entre les deux hommes, malgré l’écart d’une génération, fut celle non pas de maître à disciple mais peut être résumée par la formule employée par Roger Joseph « Le Maître et le professeur ». Henri Rambaud fut un de ceux qui ont le mieux approché la poésie de Maurras. Lorsque <i>L’Action française</i> se fût repliée à Lyon, en 1940, les relations entre les deux hommes se firent plus étroites, malgré les désaccords politiques. L’admiration d’Henri Rambaud pour la poésie de Maurras et la confiance que mettait le second dans le jugement et le savoir du premier rendirent le lien plus étroit. En poésie, « cet attachement, a écrit Roger Joseph, ira même parfois, de pair avec un rôle de conseiller bénévole, jusqu’à servir de révélateur, de détonateur ou de catalyseur d’une inspiration encore diffuse. »<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Quand, à l’été 1944, la Libération de Lyon prit une tournure insurrectionnelle et que des menaces très sérieuses commencèrent à peser sur la vie de Maurras, il accepta, à la mi-août, de quitter son domicile de la rue Franklin, pour se réfugier, avec Maurice Pujo, dans un petit appartement de la rue Vaubécour, au 35. Il devenait le voisin d’Henri Rambaud qui habitait au 32.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Le 8 septembre, Maurras et Pujo furent arrêtés, conduits successivement à la Préfecture, au fort Montluc puis à l’hôpital-prison de l’Antiquaille. Le 12 septembre, ils furent transférés à la maison d’arrêt de Saint-Paul-Saint-Joseph en attente de leurs procès. La correspondance avec Henri Rambaud se poursuivit, comme en témoignent les <i>Lettres de Prison</i> (Flammarion, 1958).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Henri Rambaud essaya aussi d’intéresser le cardinal Gerlier, archevêque de Lyon, au sort des prisonniers. Lorsque, début octobre, le cardinal visita les prisons de Lyon, il rencontra Maurras et Pujo. Maurras demanda à l’archevêque de Lyon d’intercéder auprès du directeur des prisons de Lyon pour qu’on l’autorise à faire venir des livres. Le cardinal intervint, l’autorisation fut accordée.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La lettre, inédite, publiée ici, date de quelques jours plus tard et fait allusion à une rencontre entre Henri Rambaud et le cardinal Gerlier. Le critique lyonnais tente d’éclairer l’archevêque de Lyon sur la situation intérieure de Maurras et sur sa position religieuse. Il l’illustre par deux extraits de lettres de Charles Maurras à sœur Madeleine de Saint-Joseph, du Carmel de Lisieux, lettres datées de 1937. La correspondance entre le Carmel de Lisieux et Charles Maurras ou Robert de Boisfleury a duré d’août 1936 à l’été 1940. René Rancœur a exposé le rôle important d’intermédiaire et d’intercesseur, y compris spirituel, joué par le Carmel de Lisieux[1].<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Peu des lettres adressées par Maurras au Carmel ont été publiées[2]. Les deux fragments cités par Henri Rambaud sont, sauf erreur de ma part, inédits. L’excellent connaisseur de l’œuvre et de la pensée de Maurras qui nous a communiqué ces documents juge, à raison, que ces deux extraits de lettres de Maurras, comme la lettre d’Henri Rambaud, ont « une valeur de confirmation de ce que nous pensons et savons sur l’âme de Maurras ». On sera attentif, parmi d’autres éléments importants, à cette affirmation de Maurras : « Je ne suis ni un athée, … ni un irréligieux ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Yves Chiron<br /></div><hr color="#009933" width="50%" /><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">13 octobre 1944<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Éminence,<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Au cours de l’audience que vous avez eu la bonté de m’accorder samedi, comme je vous montrais quelques lignes de Maurras sur sa position religieuse, vous m’avez exprimé le désir d’en posséder le texte. Le voici, et gardez-le avec d’autant moins d’hésitation que ce n’est qu’une copie ; l’original n’a d’ailleurs jamais passé sous mes yeux.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">À la vérité, quand ces deux fragments me furent communiqués par leur destinataire – sœur Madeleine de Saint-Joseph du Carmel de Lisieux –, le secret m’avait été demandé. Mais c’était en septembre 1937, à une date où la condamnation n’était pas levée encore, et où le Carmel redoutait tout ce qui eût risqué d’entraver ou de retarder la réconciliation ardemment désirée. Aujourd’hui, la situation est tout autre. La réconciliation est chose faite, et soit le Carmel (dans les <i>Annales de sainte Thérèse</i>), soit Maurras (dans l’<i>Action française</i>) ont publié leurs relations, sans en plus faire des mystères ; c’est de l’âme de Maurras, de sa conversion intime et totale qu’il s’agit avant tout. Sœur Madeleine m’avait communiqué ce texte pour éclairer ou garder à l’occasion un apostolat auprès de lui ; je crois rester fidèle à sa pensée en agissant de même avec vous.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Je ne crois pas en effet qu’il existe de texte plus net que ces deux fragments sur l’intime de la position religieuse de Maurras, qu’il ne révèle guère et qu’il juge même (il l’a écrit un jour) « incommunicable ». N’exagère-t-il pas en cela ? Je l’ai toujours pensé pour ma part ; et il me semble bien me souvenir que ce texte, en effet, fut pour moi, quand je le connus, beaucoup moins une révélation qu’une confirmation.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ce qui m’avait mis sur la voie, avait été l’épigraphe (de sa composition) qu’il a inscrite au seuil des trois grandes ambitions de sa vie, philosophique (<i>L’Etang de Marthe et les hauteurs d’Aristarchê</i>), politique (<i>L’Enquête sur la Monarchie</i>) et poétique (<i>La Musique intérieure</i>) : <b>Optumo Sive Pessumo Pejori Tamen Et Meliori Utrique Nefando Numini Vel Monstro Sacrum</b>, ou comme il l’a traduite en vers français :<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Essence pire que le Pire<br />Et meilleure que le Meilleur<br />Quelle est la langue qui peut dire<br />Les deux abîmes de ton cœur !<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Mais à ce double sanctuaire<br />DEESSE ou MONSTRE, ô seul esprit<br />De mon ombre et de ma lumière,<br />L’unique hommage soit inscrit.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ces vers mystérieux m’avaient paru une profession secrète de manichéisme, et je m’en ouvris à sœur Madeleine. Et c’est alors qu’elle me répondit pas les textes que je joins à cette lettre, et où le nom de s. Augustin est une confirmation nette.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Actuellement, je ne crois plus qu’il y ait chez Maurras d’hostilité pour le Christ, comme il y en a eu certainement dans sa jeunesse, et même assez longtemps. Sa grande difficulté morale me paraît être du côté de la charité, dont il est bien loin (comme nous tous, hélas !) de connaître toute l’exigence. Mais du côté positif, il faut inscrire un immense appétit de la vie future (et d’une vie future <i>personnelle</i>, avec résurrection de la chair et communion des saints, les deux dogmes auxquels il est le plus sensible) et une obscure, mais je crois fervente dévotion à certains saints, ou plutôt à certaines saintes, la sainte Vierge et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus entre toutes. Dieu veuille que ces clartés encore incertaines et timides deviennent un jour la plénitude de la lumière !<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Voilà, Eminence, les quelques indications qu’il m’est possible de vous donner ce matin, où je suis pressé par un départ, sur la position religieuse de Maurras. Mais si vous désirez des compléments ou un exposé plus complet, il va de soi que je serais à votre disposition : je crois la connaître assez bien, et tout ce que je pourrais faire pour cet homme que j’ai tant aimé et pour qui je garde, même détaché de bien des pentes de sa pensée, une profonde affection, me serait une douceur.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">J’apprends que vous partez vous-même pour Paris. Me permettez-vous de souhaiter que sa pensée, son souci vous accompagnent ? Je ne sais ce que vous pourrez faire pour lui là-bas, — je vous signale seulement, à tout hasard, qu’il a le plus grand désir d’y être transféré. Mais je vous dis surtout, du fond du cœur, mon immense reconnaissance pour la bonté que vous m’avez témoignée, pour moi et pour lui. Je sais qu’il y a été très sensible. Pour moi, j’en ai été bien profondément touché.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Voulez-vous excuser cette lettre trop hâtive et qui dit bien mal ce que je voudrais. Et veuillez agréer, je vous prie, Eminence, avec l’expression de mon immense gratitude, celle de ma fidélité et de mon plus profond respect.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Henri Rambaud<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;"><i>Deux extraits de lettres de Charles Maurras à sœur Madeleine de Saint-Joseph :</i><br /></div><blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">[janvier 1937]<br />… Le vrai ! Le vrai ! Je ne sais pas le vrai du monde, ou des mondes, mais je suis obligé de savoir où est le vrai de mon cœur et de ma pensée. Je ne suis ni un athée, comme l’auront dit, et l’auront cru, d’innombrables imbéciles, ni irréligieux. Mais mon sentiment profond des Puissances supérieures n’a jamais pu se fixer dans le monothéisme et si ce qui m’est donné ou offert comme explication me paraît redoubler les difficultés, c’est un fait auquel je ne puis rien !<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">[mai 1937]<br />Il y a des choses qui ne dépendent pas de l’homme. Son esprit voudrait voir et il ne voit pas. Le mien est aux prises avec les difficultés immenses relatives à la vie, à l’être, à ses causes et à ses raisons. J’en suis resté depuis longtemps, à la philosophie <i>pluraliste</i> sans me dissimuler qu’elle n’est pas une explication ; j’y vois une simple position du problème, mais tellement forte et aiguë qu’une solution ne s’en est jamais dégagée pour moi et que toute tentative <i>unitaire</i> n’a jamais fait que redoubler mes ténèbres et en épaissir, en approfondir les replis douloureux.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Il me semble avoir lu que saint Augustin mit de longues années à sortir de là. Les ressources de ce grand esprit dépassent trop les miennes pour qu’il me soit permis de m’étonner de mes défaites. Du moins ai-je la conviction de n’avoir jamais voulu ébranler une seule croyance, n’ayant jamais enseigné ni propagé le système de mes inquiétudes que j’ai toujours gardées pour moi : la certitude seule vaut la peine d’être exprimée. Je serais heureux de le faire s’il m’était donné un jour de voir ce que je ne vois pas aujourd’hui…<br /></div></blockquote><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Note critique</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>• </b>Laurent Joly, « Les débuts de l’Action française (1899-1914) ou l’élaboration d’un nationalisme antisémite »,<b> </b><i>Revue historique</i><b>, </b>n° 639, juillet 2006, p. 695-718.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Laurent Joly, à qui l’on doit une biographie de Xavier Vallat (Grasset 2001) et une <i>Histoire du Commissariat aux Questions juives</i> (Grasset, 2006), publie une longue étude sur l’antisémitisme fondateur, selon lui, de l’Action française. On passera sur l’affirmation, fausse, qu’il n’y avait, jusqu’en 2000, « aucun travail universitaire …ni un seul ouvrage ou article » consacré à l’antisémitisme maurrassien. Pour s’en tenir aux travaux universitaires antérieurs à 2000, on renverra, par exemple, à l’étude de Victor N’Guyen, « Note sur les problèmes de l’antisémitisme maurrassien » dans le volume collectif <i>L’idée de race dans la pensée politique française</i> <i>contemporaine</i>, Editions du C.N.R.S., 1977, p. 139-154.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La démonstration qu’entend faire Laurent Joly est la suivante : « Dès les débuts de l’Action française, la haine du Juif et la nécessité d’un combat contre les valeurs qu’il est supposé incarner occupent une place prépondérante. Dans sa pratique, le nationalisme intégral des premières années fut un authentique nationalisme antisémite. »<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Pour étayer sa démonstration, Laurent Joly s’appuie essentiellement sur deux sources, de valeur inégale nous y reviendrons. Il se réfère, d’une part, aux articles de Maurras parus, jusqu’en 1914, dans <i>L’Action française</i> (bimensuelle puis quotidienne), dans <i>La Gazette de France</i> et dans <i>La Libre Parole</i>. D’autre part, il cite abondamment les Archives de la Préfecture de police de Paris et des « Notes de police » conservées dans le fonds « Action Française » des Archives nationales. Ces archives policières ont été, il est vrai, peu utilisées par les historiens de l’Action française, mais elles ne sont pas une source d’archives parmi d’autres. Ces « rapports des Renseignements généraux » et ces « notes de police » sont-ils fiables ? Quelle crédibilité l’historien peut-il accorder à des faits, à des chiffres, à des propos rapportés dans un rapport de police ? On ne déniera pas toute fiabilité à ce genre de source – officieuse et engagée – mais on doit l’utiliser avec précaution, de manière critique et comparative. Par exemple, Laurent Joly cite six lignes d’une conférence de Vaugeois faite le 20 juin 1899. Il fait cette citation à partir d’un rapport d’un agent des RG. Que ne s’est-il référé au texte lui-même publié dans le n° 1 de la revue <i>L’Action française</i>, puisqu’il s’agit du texte fondateur de l’Action Française ? Il aurait vu que ce qu’a véritablement dit Vaugeois et ce qu’en a rapporté le fonctionnaire des RG diffèrent sensiblement, et pas seulement dans la forme.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Sans insister sur cette question de méthode, on sera plus attentif à la démonstration elle-même : « la lutte antijuive » serait, dès l’origine de l’AF, « au cœur du combat contre la République ». Laurent Joly ne méconnaît pas qu’une grande partie de la gauche, est, à la même époque, antisémite. Il en arrive même à estimer que « l’AF tente de séduire les milieux ouvriers grâce à l’antisémitisme ». Mais une telle affirmation est en contradiction avec l’affirmation que « chez Charles Maurras, la haine du Juif occupe une place prépondérante tant dans son univers mental que dans la construction politique qu’il a élaborée ». Soit l’antisémitisme est constitutif de la pensée de Maurras et du programme de l’AF, soit il est instrumentalisé et n’a que pour fonction de « séduire les milieux ouvriers ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">En fait, c’est ni l’un ni l’autre. À se focaliser sur la question juive, Laurent Joly en revient à perdre de vue le vrai ressort de la pensée politique de Maurras : la critique de la démocratie et le raisonnement nationaliste. C’est dans sa critique de la démocratie que la question juive a sa place, dans la fameuse description des « quatre états confédérés ». Ce n’est pas anodin – surtout quand on sait l’issue sanglante qu’a voulu donner Hitler à la question juive – mais c’est commettre un anachronisme et une injustice historique que de considérer que dans le Maurras des années 1899-1914 il y avait « une haine du Juif », une haine centrale déterminante de toute sa pensée. La pensée maurrassienne de ces années-là trouve son centre ailleurs comme il l’écrira plus tard : la considération « des besoins du pays, les vides et les creux de la démocratie républicaine appelant les saillants et les pleins de la monarchie, ceux-ci d’autant plus désirés, d’autant plus désirables que, d’un temps à l’autre, les vides s’approfondissaient, les creux se creusaient encore et les événements ne cessaient pas d’y ajouter, comme dit l’autre, ”de grandes et de terribles leçons”. » (<i>Action française</i>, 17 avril 1941).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Yves Chiron</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">[1] René Rancœur, « La levée de l’Index en 1939 et le Carmel de Lisieux », <i>Etudes maurrassiennes</i>, t. 5, vol. II, Aix-en-Provence, Centre Charles Maurras, 1986, p. 407-426.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[2] Quelques-unes ont été publiées par Lucien Thomas, <i>L’Action française devant l’Eglise de Pie X à Pie</i> <i>XII</i>, Nouvelles Editions Latines, 1965, p. 359-342 et par Pierre Pascal, <i>Maurras</i>, Editions de Chiré, 1986, p. 234-239.<br /></div>Unknownnoreply@blogger.comtag:blogger.com,1999:blog-515790440361631021.post-24644871127657450842006-11-15T13:52:00.000-08:002009-12-24T10:10:08.828-08:00[Maurrassiana n°1] Le Maurras de Giocanti - par Yves Chiron<div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Novembre 2006 - 1<sup>ère</sup> année – n°1</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Le <i>Maurras</i> de Giocanti - par Yves Chiron</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Stéphane Giocanti livre une nouvelle biographie de Maurras[1]. La première tentative fut celle de Roger Joseph, inachevée malheureusement. Le <i>Maurras</i> de Giocanti a d’indéniables qualités et des faiblesses.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">En 1994, Stéphane Giocanti avait soutenu, devant l’Université de Paris IV-Sorbonne, une thèse de doctorat consacrée à « Charles Maurras, félibre. L’itinéraire et l’œuvre d’un chantre »[2]. Il publie aujourd’hui une œuvre d’une ambition plus vaste qui restitue non plus seulement Maurras le provençal mais aussi Maurras le politique, le polémiste, le journaliste, le critique littéraire.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Cela nous vaut un gros livre, au style fluide, qui s’appuie sur les travaux de ses devanciers et sur des documents inédits. La « bibliographie sélective » qui termine le livre est ample, même si certains ouvrages importants manquent, nous y reviendrons. Mais on peut s’étonner déjà que Giocanti qui, à juste titre, renvoie ses lecteurs à la <i>Nouvelle Bibliographie de Charles Maurras</i> publiée il y a un quart de siècle par Roger Joseph et Jean Forges, ne signale pas la bibliographie maurrassienne publiée il y a quatre ans par Alain de Benoist[3]. C’est pourtant la seule bibliographie de Maurras disponible en librairie et elle vient très utilement, et dans toutes les rubriques, compléter le grand travail de Roger Joseph et de Jean Forges. La bibliographie établie par Alain de Benoist s’est imposée comme une référence auprès des lecteurs de Maurras et elle est présente dans nombre de bibliothèques universitaires françaises et étrangères.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Pour ce qui est des inédits, on ne trouvera pas dans le livre de Giocanti de textes politiques inédits ou des pages littéraires inconnues, il s’agit essentiellement d’extraits de correspondances amoureuses – encore que Giocanti, même s’il évoque sommairement la liaison avec la Comtesse de La Salle, soit passé à côté des quelque 500 lettres que Maurras lui a adressées. La Comtesse de La Salle fut la plus durable passion amoureuse de Maurras. Cette grande histoire attend encore d’être racontée et mise en relation avec certains des poèmes de Maurras.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>De subtiles analyses littéraires</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Giocanti, en spécialiste de la littérature provençale des XIXe et XXe siècles, et en bon connaisseur du Félibrige, montre comment Maurras a entretenu, toute sa vie, des relations étroites avec tout ce que le Midi a compté de poètes et de romanciers. Par ses propres écrits, Maurras a été lui-même un chantre incomparable de sa province natale et a su élargir, politiquement, l’œuvre de Mistral. Là où celui-ci raisonnait en termes de renaissance littéraire de la Provence, Maurras a œuvré aussi pour sa renaissance politique, d’abord par des campagnes pour la « décentralisation ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La « biographie intellectuelle et littéraire » que Giocanti livre nous vaut de longues, et souvent subtiles, analyses des œuvres poétiques et littéraires de Maurras. Quand, par exemple, Giocanti évoque les écrits, prose et poèmes, que Maurras a composés après la Première Guerre Mondiale – hommages aux morts, amis ou inconnus – son analyse fait pénétrer admirablement dans des œuvres aujourd’hui malheureusement oubliées. Quand, plus loin, il définit l’ « antiromantisme » de Maurras en littérature, il écrit lumineusement : « l’antiromantisme de Maurras est une critique du gnosticisme : non pas seulement de l’artiste romantique, mais de l’homme moderne, qui voudrait anéantir l’ordre du monde créé ; ivre d’échapper à toute détermination – à commencer par la condition tragique de l’humanité –, il se sacre dans un monde indéfiniment virtuel où il spécule ». Ailleurs encore, il définit finement « l’atticisme littéraire maurrassien ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">À propos de nombre d’œuvres de Maurras, littéraires ou poétiques, il y aura donc intérêt désormais à se référer à la présentation et à l’interprétation qu’en donne Giocanti.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Mais son livre n’est pas sans faiblesses, ni non plus sans injustices.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Quelques erreurs</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">On passera sur quelques noms propres estropiés (Monk, Schrameck et d’autres, orthographiés différemment d’une page à l’autre). On mettra encore au compte des bourdes l’existence d’écrivains « fascistes » en 1905 (p. 322), par exemple.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Mais plus graves sont des affirmations erronées qui, si elles sont répétées par d’autres, risquent de devenir des fausses informations. Le P. Garrigou-Lagrange, dominicain, n’a jamais été « directeur du Grand Séminaire de Rome » (p. 326 et 330), Giocanti le confond avec le P. Le Floc’h, spiritain.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Giocanti nous dit qu’en mars 1936, lors de la remilitarisation de la Rhénanie par Hitler, « <i>L’Action française </i>est le principal journal à demander une riposte militaire immédiate » (p. 390). C’est exactement l’inverse qui est vrai[4].<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"> L’ amiral Auphan n’a jamais été « rédacteur à <i>L’Action française</i> » (p. 447), Giocanti le confond avec Louis-François Auphan.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurice Pujo et Georges Calzant ne furent pas emprisonnés « quelques mois » (p. 455) par les Allemands mais dix-neuf jours.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L’appartement où Maurras trouva refuge au moment de la libération de Lyon, en 1944, n’était pas situé rue Franklin (p. 456 et 470) mais rue Vaubécour ; le détail est mineur, dira-t-on, mais ce fut le dernier domicile d’homme libre de Maurras.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L’auteur pourra trouver scolairement pointilleux ce relevé des erreurs, qui n’est pas exhaustif, mais, en histoire, la bourde ou la confusion non corrigées risquent de passer pour des faits avérés.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Une légende</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Cette recension est l’occasion de rectifier une légende. Giocanti, après d’autres auteurs, nous dit, sans préciser de quelle époque il parle : Maurras « refuse un salaire supérieur à celui du dernier typo du journal » (p. 14). Plus loin dans le livre, évoquant l’année 1935, il nous répète : « Maurras n’a qu’un salaire modeste, celui d’un ouvrier imprimeur qualifié » (p. 378).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ces remarques sont destinées à nous montrer que Maurras fut un journaliste désintéressé. Tous les témoignages s’accordent pour dire que Maurras n’était pas ce qu’on appelle un « homme d’agent », âpre au gain. Mais c’est entretenir une légende, bienveillante, que de répéter que Maurras, à <i>l’Action française</i>, ne touchait qu’un salaire d’ouvrier typographe. L’histoire financière du journal et du mouvement reste à faire, elle serait d’un intérêt limité sauf si on la corrèle avec une étude des moyens de propagande de l’A.F. ; qui plus est, la disparition de nombre des archives du journal rendrait très difficile une étude exhaustive de ses finances.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Mais, par des archives privées conservées, on est exactement renseigné sur les salaires versés à <i>l’Action française</i> en septembre 1939 : Charles Maurras, Maurice Pujo et Léon Daudet reçoivent respectivement 4.000, 5.000 et 3.500 francs par mois. C’est, de loin, les salaires les plus élevés. Pour avoir un élément de comparaison, un instituteur débutant touchait, à cette époque, environ 1.000 francs par mois. Maurras gagnait donc quatre fois plus qu’un instituteur débutant.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurras ne s’est pas enrichi à l’A.F., mais il n’a pas non plus renoncé à une juste rémunération.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Des silences</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">D’un tout autre ordre, est l’absence de toute évocation de la franc-maçonnerie dans le livre de Stéphane Giocanti. On sait que Maurras avait distingué « quatre Etats Confédérés » (juif, protestant, franc-maçon, métèque) en France. Il les appelait aussi une « fédération d’oligarchies » : « Ils tiennent le pays légal. Ils le composent. Ils assurent le personnel des charges publiques. Ils y font régner un esprit, un langage, un ensemble de principes directeurs suffisamment liés. Cela forme un gouvernement »[5]. Maurras, soit dit en passant, prévenait que cette affirmation pouvait être faite « moyennant des exceptions qu’il faut avoir grand soin de faire pou ne pas sortir de la vérité humaine ! »[6].<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Pourquoi, dans sa biographie, Giocanti passe-t-il sous silence l’antimaçonnisme de Maurras alors qu’il consacre, à plusieurs reprises, de longs développements à son antisémitisme ?<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Autre silence de Giocanti : celui sur la « démocratie religieuse ». On sait qu’en 1921, Maurras a rassemblé sous ce titre trois ouvrages antérieurs : <i>Le Dilemme de Marc Sangnier</i> (1906), <i>La Politique religieuse</i> (1912) et <i>L’Action française et la religion catholique</i> (1913). Giocanti a évoqué assez longuement le débat avec Sangnier et, très rapidement, le dernier livre. Mais il n’a pas perçu la portée réelle de la démonstration. Il est passé à côté de l’unité que forme <i>La Démocratie religieuse</i>, « livre majeur, livre fondamental, le plus maurrassien de tous, et demeuré le plus actuel » a écrit Jean Madiran.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurras appelait « démocratie religieuse » cette religion nouvelle ou « messianisme temporel » qui consiste, notamment, « à n’accepter aucune loi dont la conscience individuelle n’ait pas été, au moins en théorie, le législateur ; à ne jamais admettre d’obéir à un autre que soi ; et à fonder la démocratie politique sur l’impératif catégorique de cette insurrection morale contre l’ordre naturel et surnaturel.[7] »<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Maurras « xénophobe » ?</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Certaines interprétations et certains jugements de Giocanti encore sont contestables.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">On sera d’accord avec lui pour estimer que dans l’œuvre si abondante de Maurras, il y a des redites voire, ici ou là, du « ressassement ». Mais comment considérer qu’après 1924, l’œuvre politique de Maurras « ne connaîtra que des compléments et des précisions » ? Sans évoquer les œuvres poétiques et littéraires, il y a suffisamment, après cette date, d’œuvres politiques qui ajoutent aux démonstrations et analyses maurrassiennes.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">L’analyse des régimes totalitaires, communiste et nazi, qu’on trouve dans différents ouvrages, est postérieure, bien sûr, à 1924. Les fameuses pages sur « la Politique naturelle » – l’homme comme débiteur – sont de 1937. On pourrait continuer ainsi à propos de l’Europe et d’autres sujets.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Mais, c’est la thèse centrale du livre de Giocanti qui est le plus contestable : la « xénophobie » serait au cœur de la pensée politique maurrassienne. Le mot apparaît dès la page 130, à propos des années 1895, et reviendra souvent dans les derniers chapitres qui évoquent les tragiques années 1940-1945.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">La xénophobie, selon la définition du dictionnaire, est « l’hostilité à ce qui est étranger ». Maurras n’était pas xénophobe. Giocanti se souvient-il des pages où Maurras fait l’éloge de l’ « œuvre assimilatrice » qu’avait su réaliser Martigues avec ses populations venues d’Italie, d’Espagne, d’Afrique et d’Orient ? Quand, plus tard, il voyagera en Afrique du Nord, Maurras a-t-il eu des propos méprisants pour les populations arabes ? Au contraire, il réclamera, pour elles, une politique de développement.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Quand Giocanti évoque les années 40-45, son jugement sur l’attitude de Maurras est plus que sévère, il est passionnément hostile. Maurras, « isolé » dit-il, ignorant de « la situation réelle du pays », « élabore des raisonnements abstraits » (p. 445), fait preuve d’ « obstination coupable » (p. 447), « délire » (p. 448), « devient fou » (p. 452). Au final, le soutien indéfectible que Maurras a apporté au Maréchal Pétain et à sa politique ne pouvait pas « ne pas être sanctionné » (p. 467).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Giocanti, comme beaucoup d’auteurs avant lui, juge a posteriori la position de Maurras pendant la IIe Guerre mondiale. Pourtant cette position était cohérente. C’est la fameuse « ligne de crête » : ni collaboration avec l’Allemagne ni soutien public à la résistance qui risque de mener à la guerre civile. D’authentiques résistants, comme le colonel Rémy, n’ont pas voulu accabler Maurras pour cela.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b>Les héritiers</b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Quand Giocanti, dans les dernières pages de son livre, passe en revue, au galop, les héritiers et continuateurs de Maurras et de l’Action française, il sabre au clair. L’Action Française continuée, sous la direction de Pierre Pujo, est ramenée à peu de choses : elle « répètera la pensée de Maurras en la figeant souvent » estime Giocanti. La Nouvelle Action Française devenue Nouvelle Action Royaliste, fondée par Bertrand Renouvin, n’est même pas citée, malgré ses nombreux essais et travaux, qui peuvent être contestés mais qui sont un des aspects de l’héritage.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Pierre Boutang apparaît à Giocanti comme le seul héritier qui ait su « rénover la philosophie politique du royalisme ». Il écrit à son propos : « La vraie gloire d’un maître n’est-elle pas de donner naissance, non à des disciples, mais à d’autres maîtres ? ». L’œuvre multiforme de Pierre Boutang, ses fulgurences, ses passions, ses questionnements, ses obscurités aussi, – y compris dans son gros livre sur Maurras –, en font certes non un simple continuateur ou répétiteur du maurrassisme mais un penseur original qui a voulu dépasser ce qu’il considérait chez Maurras comme des apories.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">En revanche, on est stupéfait du quasi-silence de Giocanti sur un autre héritier qui ne fut pas lui, non plus, un simple répétiteur : Jean Madiran. Un seul livre de Madiran est cité en bibliographie (alors que, sur Maurras, Madiran en a écrit plusieurs). Son nom est cité une seule fois dans le livre de Giocanti dans une phrase de deux lignes : « Autour de Jean Madiran, s’opèrera une synthèse entre les idées maurrassiennes et le catholicisme traditionaliste » (p. 503).<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Ce stéréotype réducteur est celui qu’on rencontre, à propos de Madiran, dans la plupart des manuels d’histoire des idées politiques. Giocanti n’a pas voulu, ou n’a pas su, aller au-delà. Il n’a pas perçu la force et la fécondité de ce « dialogue-duel ». Il ignore l’œuvre politique et philosophique de Madiran. Il ignore son premier livre, publié sous le pseudonyme de Jean-Louis Lagor, <i>La Philosophie politique de saint Thomas </i>(Les Editions Nouvelles, 1948). Livre non anodin où, celui qui signera plus tard Jean Madiran, voulait « intégrer la physique maurrassienne à la pensée thomiste », « établir les principes selon lesquels la politique thomiste peut rencontrer l’“empirisme organisateur“ et l’intégrer à la philosophie chrétienne ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Maurras avait perçu l’originalité et la force de cette pensée. Il avait rédigé une très longue – 28 pages – « Lettre-préface » pour ce livre ; ce fut même son dernier écrit d’homme libre puisque daté de « Lyon, 2 septembre 1944 ».<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">On cite souvent la quasi-lettre testamentaire de Maurras à Boutang, en février 1951 : « Nous bâtissons l’arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine… ». Les lignes qui terminent la Lettre-préface à Madiran sont, elles aussi, prophétiques :<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">« <i>Vous proposez</i>, écrivait Maurras, <i>un système complet, cohérent, continu de l’expérience historique française et de la plus haute théologie. Soyez sans inquiétude, quant à ce que peuvent en penser ceux de vos aînés à qui l’expérience, à peu près seule, servit de points de départ, d’appui et d’arrivée. Ils vous redisent leur réponse : – Vous serez forcément au moins aussi heureux que nous. “Generose puer ! </i>“<i>. Soyez-le davantage ! Ce que vous avez fait est déjà de si grand prix que l’on doit tout attendre de ce que vous ferez, pour éprouver et consolider la pensée commune, pour en augmenter les capacités, les pouvoirs, les mesures et les proportions. »</i><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Si l’on s’accorde que « l’histoire comme jadis la navigation se construit par approximations compensées » (J.-P. Cointet), la biographie de Maurras par Stéphane Giocanti est une nouvelle « approximation », avec ses découvertes, ses confirmations, ses éclairages heureux mais aussi ses erreurs et ses parti-pris.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;"><b><i>Yves Chiron</i></b><br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">Stéphane Giocanti<b><i>, Maurras. Le chaos et l’ordre, </i></b>Flammarion, 576 pages. 26 euros.<br /></div><div align="justify" style="line-height: 150%;">----------<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[1] Une version, abrégée, de cette recension est parue dans <i>L’Homme nouveau</i>, 16 octobre 2006.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[2] Thèse publiée sous le titre <i>Charles Maurras félibre</i>, Louis Montalte, collection « Les Amis de la langue d’oc », 1995, 473 pages.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[3] Alain de Benoist, <i>Charles Maurras et l‘Action française. Une bibliographie</i>, Editions BCM, 2002.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[4] Cf. <i>L’Action française</i>, 10.3.1936 et Y. Chiron <i>La Vie de Maurras</i>, p. 380-381 .<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[5] <i>Action française</i>, 12 juin 1914 ; article repris dans le <i>Dictionnaire politique et critique</i>, t. II, p. 10-11.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[6] Les récents travaux de Michel Jarrige ont ouvert de nouvelles perspectives : <i>Antimaçonnerie et Action française à la Belle Epoque</i>, Niherne, Editions BCM, 2005, 80 pages et <i>L’Antimaçonnerie en France à la Belle Epoque. Personnalités, mentalités, structures et modes d’action des organisations antimaçonniques. 1899-1914</i>, Milan, Arché, 2006, 812 pages.<br /></div><div align="justify" class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">[7] Jean Madiran, « Avis au lecteur » dans la réédition de <i>La Démocrate religieuse</i>, Nouvelles Editions Latines, 1978, p. IV.<br /></div>Unknownnoreply@blogger.com